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les principes de la révolution, par cela seul qu’ils sont contestés ; s’imposent, avec une autorité nouvelle, comme seule garantie de la prospérité publique. La révolution de juillet, en paraissant assurer leur triomphe, reporte sur des objets nouveaux l’attention des esprits : on place le progrès dans les choses matérielles, et, tout en améliorant les masses par l’instruction, on veut aussi les améliorer par le bien-être ; mais ce bien-être, où le trouver, si ce n’est dans le travail ? Il est résulté de là que la philanthropie, d’accord avec les intérêts, a secondé : de tous ses efforts l’essor industriel ; mais on n’a point tardé à se demander si le développement de l’industrie n’entraînait point à sa suite de nouvelles misères, et surtout des misères morales. En dressant l’inventaire des profits, on a fait aussi le bilan des vices, et dès-lors le soin des hommes qui songent à leurs semblables s’est partagé entre cette double tâche : d’une part, favoriser la production pour répandre l’aisance ; de l’autre ; propager l’instruction et les notions morales pour paralyser les tendances funestes qui se propagent dans les grands centres de population, et former un contrepoids à des théories subversives. A Paris, comme dans la province, de grands efforts ont été tentés ; Paris s’est occupé des doctrines, la province des applications pratiques.

A Saint-Étienne, à Mulhouse, à Metz, à Angers, à Nantes, à Saint-Quentin ; on a fondé des académies spéciales, de véritables chambres de commerce qui, sous le titre de Sociétés industrielles, se recrutent parmi les chefs des manufactures, les négocians, les propriétaires. Soumettre à l’intervention régulatrice de la bourgeoisie les associations des ouvriers ; travailler à l’éducation morale du prolétariat, tout en perfectionnant l’instruction professionnelle, secourir les classes laborieuses dans les temps de crise ; les éclairer dans les jours calmes, leur enseigner la prévoyance, faire arriver les travailleurs à la seule aristocratie que, les hommes de bon sens puissent accepter, l’aristocratie du talent et de la moralité, tel est le programme de ces utiles associations. Au premier rang, nous placerons Les Sociétés industrielles de Nantes et de Mulhouse. La société de Nantes, qui fut établie en 1830 par M. Camille Mellinet, compte aujourd’hui plus de six cents souscripteurs. Cette société distribue des prix qui sont décernés par les ouvriers eux-mêmes, et elle admet au nombre de ses titulaires ceux qui se distinguent par la régularité de leur conduite et leurs talens. La société de Mulhouse a fondé un musée industriel, une bibliothèque technologique qui renferme trois mille volumes, une école gratuite de dessin linéaire et de mécanique, une académie gratuite de peinture où se réunissent, année moyenne, plus de deux cents élèves. La première, elle a propagé parmi les industriels l’évaluation de l’effet dynamique des moteurs tant hydrauliques qu’à vapeur ; elle publie et distribue des ouvrages utiles, et donne des prix que les étrangers, quelle que soit leur patrie, sont appelés à disputer. Le nombre de ces prix, dans la seule année 1842, s’est élevé à soixante, parmi lesquels une somme de 1,500 francs affectée au meilleur mémoire sur l’origine et les effets des douanes allemandes. A Metz, les membres de la Société industrielle professaient, il y a peu de temps encore, des cours gratuits, et, en parcourant ainsi en détail les divers points du royaume, on ne tarde pas à reconnaître que partout, et autant que le permettent les ressources dont elles disposent, ces utiles associations ont fait modestement et sans bruit plus de bien réel que les messies du socialisme, qui ne font que des utopies ou des phrases. Dans un grand nombre de localités, elles ont pris l’initiative pour