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qui, en rendant compte de l’une des plus importantes sessions, reprochait aux congressistes de France de chercher à se distraire plutôt qu’à s’instruire ? L’humoriste britannique plaisantait surtout avec bonheur la naumachie donnée à Angers en 1843, et qui consistait en deux grands bateaux illuminés portant la musique de la garde nationale et celle de la garnison, et en six petits canots, également illuminés, naviguant constamment. Le critique d’outre-Manche cherche sans le deviner en quoi cette flottille pouvait contribuer à l’émancipation intellectuelle de la province ; nous avons cherché comme lui sans deviner davantage.

Indépendamment du congrès scientifique, qui embrasse l’universalité des choses, il s’est formé des congrès spéciaux, également imités de l’Allemagne, entre autres le congrès archéologique de France, organisé en 1834 par la société française pour la conservation des monumens, les congrès des vignerons, des producteurs de laine, des producteurs de cidre, qui se sont successivement réuni à Angers, à Bordeaux, à Marseille, à Niort, à Bourges, à Saint-Quentin. Les agriculteurs de la Normandie, de la Bretagne, les associations de l’ouest et du nord, se sont également réunis en assemblées générales pour discuter des questions scientifiques et défendre en même temps les intérêts positifs. Sur tous les points, l’affluence des propriétaires, des administrateurs, des simples cultivateurs même, a été grande, et les chambres législatives ont sanctionné quelques-uns des vœux émis dans ces assemblées, tels que la substitution du droit au poids au droit par tête, substitution que les divers congrès de ces dernières années avaient vivement sollicitée en insistant sur l’importance de cette réforme au double point de vue des intérêts agricoles et de l’alimentation des populations urbaines. L’impulsion une fois donnée, la centralisation devait reprendre ses droits. La province elle-même a compris que, pour légitimer ses vœux, il fallait les soumettre au contrôle de la science parisienne, et le congrès central de 1846 a réuni de tous les points du royaume dans la capital les membres les plus actifs des sociétés et des comices. Des hommes éminens dans l’administration, la législature, des notabilités de l’Institut, ont pris part aux travaux. Par malheur, l’habitude des grandes réunions n’est point encore passée dans nos mœurs, et la discussion a souvent été conduite sans ordre et sans méthode. L’agriculture a servi de prétexte aux médecins, aux philanthropes, aux réformateurs des prisons, pour faire briller une science plus ou moins problématique. On a souvent parlé sans conclure, et, en traitant de omni re scibili et quibusdam aliis quelques orateurs ont fini par sombrer sous le flot de leurs phrases. En restreignant à des proportions raisonnables le programme de leurs travaux, les congrès ne sont que mieux en mesure, de se faire écouter, et la carrière qui leur est ouverte restera toujours assez vaste.

En suivant depuis la première convocation, et la date en est encore bien récente, les travaux des congrès généraux ou régionnaires, on est frappé de voir comment les horizons s’élargissent sans cesse, comment s’élève le niveau des idées. A chaque réunion nouvelle surgit quelque problème intéressant : on pénètre de plus en plus dans la réalité des faits ; les discussions sont mieux soutenues, les vœux de réforme plus précis, les réformes indiquées plus applicables. Si des hommes spéciaux entreprenaient le dépouillement exact et complet des