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La Hollande fermée, restaient l’Allemagne et la France ; mais les mêmes calculs d’influence éloignaient le parti catholique de ces deux pays. Le clergé belge redoutait le contact de la centralisation protestante de la Prusse, qui rendait défiances pour défiances au démocratisme ultramontain de la jeune nation. Il redoutait surtout pour les tendances théocratico-radicales imprimées par lui à la révolution le contact de la France de juillet, livrée, en politique comme en religion, au courant contraire, et qui pouvait réagir sur la Belgique par le double ascendant des services rendus et d’une profession de foi religieuse où rien ne laissait prise au soupçon d’hérésie. Sous l’empire de cet ombrageux parti pris, le gouvernement belge a simultanément repoussé, jusqu’en 1842, la France, qui, à quatre reprises différentes, lui offrait l’union douanière[1], et la Prusse[2], qui, revenue de ses anciennes préventions, sollicitait instamment, depuis 1834, un traité de commerce, de navigation et de transit. A Paris comme à Berlin, on a cru voir dans la convention de 1842 et dans l’arrêté du 28 août suivant, qui étendait aux vins et aux soieries du Zollverein les avantages exclusivement accordés par cette convention aux similaires français, l’expression de tendances tour à tour françaises et allemandes : rien de plus faux. Ces deux mesures ne sont, à vrai dire, qu’une intelligente et perfide application de l’idée fixe du parti catholique, qui, dans l’impossibilité de brusquer un système d’isolement auquel certaines industries n’étaient pas suffisamment préparées, s’étudiait à repousser l’Allemagne et la France l’une par l’autre, sans fermer à ces industries leurs débouchés français et allemands. La convention de 1842 n’a été pour nos voisins qu’un pis-aller dans lequel ils trouvaient un refuge contre l’alliance de la Prusse. Vers la fin de 1841, l’envoyé belge à Berlin s’était laissé surprendre un projet de traité posant, entre autres bases, l’équilibre des tarifs belge et allemand et un dégrèvement exceptionnel des vins et soieries du Zollverein. A peine informé de l’acceptation de la Prusse, le cabinet de Bruxelles, qui, peu de jours auparavant, refusait de négocier avec nous, conclut brusquement avec la France la convention du 16 juillet, par laquelle il se mettait hors d’état de remplir les clauses précitées du traité avec l’union rhénane, tout en se débarrassant de l’industrie linière, dont cette convention achetait pour quatre ans la neutralité. La Prusse irritée menaça de prohiber les fontes belges, et la Belgique, qui venait d’assurer aux dépens de f Allemagne le débouché français de ses lins, trouva cette fois commode de nous faire payer le maintien du débouché allemand de sa métallurgie. De là l’arrêté du 28 août, en échange

  1. En 1836, 1839, 1840 et 1848. Voir les débats des chambres belges sur la convention du 13 décembre.
  2. Voir le long mémoire notifié le 18 juillet 1844 par la Prusse à la Belgique.