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agricole. Or, la Prusse et la Hollande ayant été admises en Belgique au privilège de nationalité, celle-ci pour son pavillon, celle-là pour son pavillon et son transit, il faut, pour que l’équilibre existe, que la France obtienne un privilège égal dans le seul ordre d’intérêts qui l’appelle en Belgique, c’est-à-dire la libre entrée de ses vins, de ses soies, de ses lainages et de ses cotons. Les susceptibilités nationales du parti catholique se concilient donc très bien ici avec les nécessités industrielles qui le poussent vers l’union. À ces motifs déterminans il s’en joint pour lui un autre auquel la réaction libérale donne une pressante opportunité : l’intérêt électoral.

Ce n’est pas au bas peuple des Flandres que se limite l’agitation pour l’union douanière : peur, commisération ou simple calcul, les classes électorales se sont mises à la tête du mouvement. Syndicats, chambres de commerce, conseils communaux, conseils provinciaux, tout ce qui dérive de l’élection a protesté. Or, les deux Flandres nomment à elles seules dix-sept sénateurs sur quarante-sept, et trente-trois représentans sur quatre-vingt-quinze. De ces cinquante voix de sénateurs et de représentans, plus de quarante appartiennent jusqu’ici aux ultramontains, et c’est sur ce terrain que la réaction libérale compte recruter l’appoint qui lui donnera la majorité, car ailleurs presque toutes les positions sont ou réputées imprenables ou déjà prises. Si les catholiques parvenaient à sauver cet appoint, ce serait pour eux un vrai coup de partie, et les libéraux s’y prêtent à merveille. Cette ombrageuse minorité, si active et si logique dans les questions de politique intérieure, mais qui, pendant quinze ans, n’a su jeter dans la balance des intérêts commerciaux que de stériles contradictions, a voulu rester dans son rôle jusqu’au bout.

Tandis que les fauteurs d’un système d’isolement principalement dirigé contre l’influence libérale portaient courageusement le dernier coup à leur œuvre, donnaient aux traités prussien et hollandais la convention avec la France pour pendant, et proclamaient l’union à venir des deux pays, on a vu les notabilités libérales de la chambre, en tête MM. Lebeau, Verhaegen et Osy, exhumer contre l’union douanière, et, ce qui est plus fort, contre la convention même, les préjugés les plus usés de cette niaise patrioterie qui seconda si bien jadis les vues secrètes des ultramontains. Ce sont toujours les mêmes vieux mots. La « neutralité, » la « nationalité, » l’hypothèse d’une guerre européenne qui trouverait la Belgique enchaînée à la France, voilà l’argument le plus neuf que ces hommes du mouvement soient parvenus à rhabiller. Étrange illusion, ou plus étrange aveu ! Admettons pour l’avenir le cas plus qu’improbable d’un nouveau duel entre la France et l’Europe : emprisonnée qu’elle serait dans l’étau de quatre armées, la Belgique