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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 novembre 1846.


Les grandes affaires se succèdent. Du midi nous sommes rappelés au nord par une singulière violation du droit européen Disons d’abord que le capricieux coup d’état qui frappe Cracovie, loin de porter au fond la moindre atteinte à la puissance de la France, lui crée pour l’avenir, à notre sens, une situation plus nette et plus forte. En effet, ces traités de Vienne, conclus en grande partie contre nous, se trouvent abrogés sur un point essentiel. La barrière qu’ils formaient contre la France est ébranlée par la main même de ceux qui l’avaient élevée. Nous savons bien que ce résultat n’a pas été dans la pensée de ceux qui viennent de se permettre une infraction aussi évidente aux textes les plus positifs ; mais il y a souvent dans les faits une force, une logique indépendante des intentions et des désirs de ceux qui les accomplissent.

A quel entraînement ont donc cédé les trois cabinets de Saint-Pétersbourg, de Vienne et de Berlin quand ils ont déclaré que la ville et le territoire de Cracovie cesseraient d’exister comme république indépendante, pour être incorporés à l’Autriche ? Il y a dans les gouvernemens absolus une sorte de pétulance qui les pousse à briser la force ce qui leur déplait, ce qui les inquiète. Ils ne savent pas vivre avec les obstacles, les tourner, les aplanir ; c’est une science réservée jusqu’ici aux gouvernemens constitutionnels. Les trois cabinets trouvaient que Cracovie était pour eux un embarras, et ils ont supprimé l’embarras avec une violence toute révolutionnaire. Spectacle étrange, sur si l’on songe qu’il nous est donné par des gouvernemens qui se vantent de représenter par ecellence les principes d’ordre, de conservation et de légitimité ! Les trois puissances ont complètement mis en oubli et sous leurs pieds toutes les considérations qui avaient déterminé l’érection de Cracovie en république indépendante. Au congrès de Vienne, l’empereur Alexandre, qui allait réunir à ses états la presque totalité de la Pologne, se croyait des droits incontestables à la possession de Cracovie mais ses alliés craignaient qu’il n’eût ainsi vis-à-vis d’eux