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les stipulations de son contrat de mariage, entrée et voix délibérative dans le conseil. Sœur de la reine de France, fille cadette de l’empereur François Ier et de Marie-Therèse, Marie-Caroline avait alors vingt-cinq ans. Elle était belle, vive, intelligente, amie des réformes et éprise des applaudissemens qui saluaient à cette époque les vues philanthropiques des princes de la maison d’Autriche. On célébrait son activité, son goût éclairé pour les arts, son instruction profonde, ses idées généreuses : on ne parlait encore qu’à voix basse de ses galanteries. Tout faisait donc espérer que les Napolitains n’auraient point à regretter l’empire qu’elle était destinée à exercer sur le fils indolent de Charles III. Combien de règnes flétris par la postérité ont commencé sous ces heureux auspices ! Appelée à gouverner un plus grand peuple, Marie-Caroline eût pris place peut-être à côté de Catherine II ; la gloire aurait alors ennobli ses faiblesses ; en des temps plus tranquilles, le bonheur de Naples les lui eût fait pardonner, mais la fatalité qui la jeta sur un théâtre trop étroit pour son esprit actif, au milieu des agitations de ces jours difficiles devait la livrer sans défense à toutes les sévérités de l’histoire. La révolution française fit bientôt succéder dans le cœur de la reine, aux tendances libérales qu’elle avait manifestées d’abord ; une profonde horreur pour les principes qui, après avoir renversé le trône de Louis XVI, avaient osé dresser l’échafaud de Marie-Antoinette. Attentive à étouffer la sédition dès sa naissance ; la reine prêta l’oreille aux suggestions d’Acton la populace est fidèle et dévouée, répétait-elle d’après lui, mais les nobles sont tous d’infâmes jacobins. Tels furent les soupçons qui jetèrent dans les cachots de Naples la plus haute noblesse du royaume. Jamais cependant, — les plus violens ennemis de la reine lui ont rendu cette justice, — elle n’eût secondé les lâches atrocités de ses ministres sans le voile épais qu’ils avaient étendu sur ses yeux. Les instincts généreux du sang de Marie-Thérèse devaient succomber que sous la raison d’état et les sophismes de la politique.

Abandonné de bonne heure à une tutelle négligente, le roi réunissait à des instincts peu élevés des habitudes grossières, qui ne charmaient que la populace. Il se mêlait rarement des affaires du royaume, à moins qu’il n’y fût poussé par quelque terreur secrète. En 1796, épouvanté des progrès de Bonaparte, qui venait de disperser l’armée de Wurmser, il était sorti de son apathie pour traiter avec la république et avait envoyé à Paris le prince Belmonte Pignatelli, malgré les vives réclamations de la reine. Le danger passé, il était retombé dans son indifférence, et n’avait point eu la force de s’opposer aux nouvelles imprudences qui devaient mettre sa couronne en péril et pousser le royaume à sa ruine.

Tels étaient les personnages qui allaient entourer le héros du Nil. Le 17 mai 1798, le jour même où l’arrhée d’Égypte quittait le port de