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de ce genre peut être rompu au gré de l’une des deux parties contractantes… Je suppose que la flotte française fût arrivée dans la baie de Naples, les Français et les rebelles auraient-il un instant respecté cette trêve ? Non, non, eût dit l’amiral français ; je ne suis point venu ici pour jouer le rôle de spectateur, mais pour agir. L’amiral anglais en a dit autant ; il a déclaré, sur son honneur, que l’arrivée de l’une des deux flottes, anglaise ou française, était un événement qui devait détruire toute convention préalable, car l’amiral français ni l’amiral anglais ne pouvaient venir à Naples pour y rester les bras croisés… J’ai donc proposé au cardinal de faire savoir aux Français et aux rebelles, en son nom et au mien, que l’armistice se trouvait rompu par le seul fait de la présence de la flotte britannique devant Naples ;… que les Français ne seraient point considérés comme prisonniers de guerre, si, dans deux heures, ils avaient livrée le château Saint-Elme aux troupes de sa majesté, mais que, pour les rebelles et les traîtres, aucune puissante humaine n’avait le droit de s’interposer entre eux et leur gracieux souverain, et qu’ils devaient s’en remettre entièrement à sa clémence, car aucune autre condition ne leur serait accordée. Le cardinal a refusé de s’associer à cette déclaration ; je l’ai signée seul et je l’ai envoyée aux rebelles. Ce n’est qu’après l’avoir reçue qu’ils sont sortis de leurs forts, comme il convenait à des rebelles, et comme le feront, j’espère, tous ceux qui trahiront leur roi et leur pays, pour être pendus ou traités selon le bon plaisir de leur souverain. »


Il est difficile de comprendre comment une nature droite et généreuse put s’abaisser à d’aussi misérables sophismes, comment cet homme, dont la marine anglaise admirait la mansuétude et la loyauté, qui ne vit jamais sans pâlir fustiger un de ses matelots, sut trouver le triste courage de violer un engagement sacré et de commander le supplice d’un frère d’armes et d’un vieillard. L’influence de lady Hamilton a dû contribuer sans doute à ces résolutions funestes, mais il faut laisser aux passions politiques, de toutes les passions les plus impitoyables, la part de responsabilité qu’elles ont le droit de revendiquer dans ce double crime. C’est à elles surtout qu’appartient ce fatal pouvoir de renverser toute notion d’humanité et de justice, de mettre le mépris des droits les plus sacrés et des lois les plus saintes au rang des vertus de l’homme d’état. Aux yeux de lord Spencer, les motifs qui avaient dicté la conduite de Nelson parurent aussi purs et aussi honnêtes que le succès de ses mesures avait été complet. La morale des grands gouvernemens, il faut en convenir, a fait quelque chemin depuis 1799.


IV.

Dès le mois d’avril 1799, Troubridge, plein d’ardeur, eût voulu que Ferdinand IV vînt le rejoindre devant Naples ; mais Nelson connaissait mieux le souverain des Deux-Siciles. « Où prenez-vous donc de pareilles idées ? écrivait-il alors au capitaine du Culloden. Dévoué comme il l’est