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légendes qui s’y rattachent, on côtoie le lac de Tezcuco, la plus vaste des cinq nappes d’eau qui occupent, disposées en étages, le fond de la vallée[1]. En cette saison plus encore qu’à toute autre, desséchés et imprégnés de substances salines qui s’effleurissent, les bords du lac, si fertiles, si rians, si vivans autrefois, ressemblent à une terre désolée. Du côté où je les ai suivis, il n’y a plus un arbre qui les ombrage. Ennemis de la végétation, les Espagnols ont tout coupé sans rien renouveler et dans la vallée et dans les montagnes qui lui servent de ceinture. La surface des cinq lacs est solitaire, silencieuse, inanimée ; pas un bateau à vapeur ne s’y promène, battant l’eau de ses ailes bruyantes, et projetant derrière lui une longue traînée de fumée qui indique au loin la présence d’hommes actifs et remuans. Je n’y ai pas vu même une seule de ces pirogues qui la sillonnaient par milliers du temps de Montezuma, et que Cortez combattit avec une flotte de grands brigantins qu’il eut à construire ; à plus forte raison, nulle trace des chinampas ou jardins flottans où l’on cultivait des fleurs et des fruits, et qui émerveillèrent les conquérans espagnols.

Le lac de Tezcuco a cessé même de baigner la capitale, dont les eaux autrefois traversaient les rues, depuis que le niveau général des lacs a été abaissé dans la vallée par l’effet de travaux de dessèchement, malheureusement séparés de l’idée d’irrigation que les Espagnols cependant auraient dû avoir présente, tant à cause des canaux de distribution exécutés par les Maures dans la Péninsule, qui en jouit encore, que parce qu’ils avaient sous les yeux les vestiges des magnifiques arrosages des souverains aztèques. Sur ses bords devenus incultes, on se croirait en un désert, si l’on n’apercevait à l’extrémité de l’horizon, de l’autre côté du lac, des haciendas (fermes) qui semblent belles, et qu’entourent quelques arbres échappés à la destruction. On admire ensuite la chaussée gigantesque construite par les Espagnols pour contenir le lac de San-Cristobal et l’empêcher de se jeter dans celui de Tezcuco, ce qui exposerait la capitale à une inondation. On traverse un petit nombre de villages, assemblages assez réguliers de huttes en briques cuites au soleil, comme ceux de l’Egypte, peuplés d’Indiens paisibles mêlés de métis, avec quelques blancs qui seraient moins respectueux pour l’étranger, si celui-ci ne leur laissait voir les longs pistolets dont il doit ne se séparer jamais. Le second jour, on est hors de la vallée, au milieu des montagnes. On traverse la petite ville de Pachuca, centre d’un district de mines dont Real del Monte fait partie, et célèbre dans l’histoire de la métallurgie mexicaine.

Les mines d’or et d’argent ont constamment exercé un puissant attrait sur les peuples qui se laissent volontiers aller à leur imagination.

  1. La superficie des lacs est du dixième de celle de la vallée tout entière.