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Magyars les intérêts du royaume de Croatie et de Slavonie, et, par suite, tous ceux de la race illyrienne. Il avait donc fallu fermer la porte de l’assemblée à ces Turopoliens magyaromanes et aristocrates. Bien entendu, il ne s’agissait point des assemblées ordinaires de comitat, mais d’une assemblée de congrégation, ce qui est très différent. La Croatie forme avec la Slavonie un royaume qui est annexé à la Hongrie et placé sous le régime de la même constitution parlementaire. Ce royaume envoie ses magnats et ses députés à la diète hongroise, et il est divisé, comme la Hongrie, en comitats ou départemens, dont tous les nobles s’assemblent quatre fois l’an pour délibérer sur les affaires locales. Outre ces institutions, qui sont communes aux deux royaumes, la Croatie et la Slavonie possèdent encore une sorte de parlement national qui date du temps de l’indépendance de la Croatie, et qui, sous le nom de congrégation, est appelé à s’occuper des intérêts généraux du royaume annexé. Ses attributions, son organisation même, sont encore aujourd’hui des sujets de controverse ; mais, si faiblement assis qu’il soit, il est d’un grand secours pour les Croates, car, en même temps qu’ils trouvent dans leurs comitats et dans la diète de Hongrie l’occasion de parler hautement en faveur de l’illyrisme, ils trouvent dans la congrégation le moyen de centraliser leurs efforts et de donner à leur nationalité l’appui et l’autorité d’une institution.

On devine que les Magyars devaient tout mettre en jeu pour empêcher la reconstitution de cette assemblée nationale, ou du moins pour en stériliser les bienfaits. Il suffisait, pour cela, que les gentilshommes turopoliens eussent droit de vote personnel dans la congrégation comme dans le comitat. Les Illyriens n’eurent garde de s’y laisser prendre. Tous les savans du parti furent mis en réquisition pour explorer les bibliothèques, exhumer les vieux diplômes et y puiser des argumens contre le droit de vote personnel dans les congrégations : le patriotisme le plus ardent dirigea leurs recherches, et ils purent en effet démontrer, par des preuves irréfragables et en latin, que les nobles n’ont droit de vote en congrégation que par députés. Aussi les Illyriens étaient-ils restés maîtres du terrain scientifique. L’histoire, parlant par leur bouche, avait condamné, comme illégitimes, les prétentions des Turopoliens, et le gouvernement autrichien avait donné raison aux partisans du vote par députés. C’est pourquoi les Turopoliens, ne pouvant agir par les voies légales, avaient eu recours à l’intimidation ; ils étaient venus en foule et en armes pour troubler et pour arrêter les travaux de la congrégation. Les troupes de la garnison s’étaient mises alors en devoir de résister aux Turopoliens magyaromanes, et les avaient repoussés hors de la ville. Voilà ce que je pus recueillir en peu d’instans par la Gazette, d’Agram, et fort à propos, car je n’eusse rien compris aux débats que j’allais entendre dès ce même jour.