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par l’Autriche entre les deux cultes. Tous ne pensent pas ainsi ; mais les meilleurs sont portés à cette tolérance, et c’est un pas fait vers ce grand but de la réconciliation religieuse des diverses provinces illyriennes, qui doit être le but de tous.

L’esprit politique s’est amélioré comme l’esprit religieux. Sans doute l’aristocratie croate a jeté dans le sol des racines profondes. Toutefois, en remontant aux origines, les Croates se sont aperçus qu’elle a été précédée historiquement par une sorte de liberté fort semblable à celle que l’on peut encore aujourd’hui étudier en Serbie. Eux aussi se sont épris pour ces vieilles institutions, évidemment par amour pour leur nationalité, dont elles sont le fruit antique et primitif. Si l’on ne peut nier qu’il ne se mêle à ces idées de démocratie historique quelques idées de date plus récente, empruntées à l’Occident, il faut reconnaître cependant que celles-ci ne sont point, dans ce mélange, en dose assez forte pour ôter à celles-là leur originalité illyrienne. Elles ont pris avec le temps beaucoup de consistance ; elles passionnent même la jeunesse, les lettrés plébéiens, qui en sont venus à ne plus séparer dans leur pensée le développement de l’illyrisme du développement de la liberté illyrienne. Telle est aussi la raison qu’ils invoquent en réponse aux défiances des Serbes et des Bulgares. On peut donc espérer que ces diversités de religion et de législation finiront par disparaître, grace à la sagesse et au bon vouloir des Croates. Alors l’unité de la race et de la langue se révélerait dans toute son énergie.

En attendant ce jour, qui sera le plus beau de l’illyrisme, que feront les Hongrois désespérés pour avoir, par trop d’orgueil national, poussé les Croates à ces extrémités ? Que fera l’Autriche, qui, pour régner par la division, a conspiré si long-temps contre les Magyars et conduit d’abord l’illyrisme par la main ? Depuis plusieurs années, les feuilles magyares qui se publient à Pesth ne cessent de dénoncer la Croatie comme un foyer de conspiration ; des discours passionnés retentissent quatre fois l’an, dans chaque comitat, pour appeler la colère de l’empereur et roi sur les Illyriens d’Agram, que l’on accuse hautement de travailler à la dissolution du royaume de Hongrie ; on envoie même à Vienne des députations chargées d’exposer les griefs du pays. Cependant ces écrits, quelquefois pleins de verve et d’amertume, restent sans effet ; ces discours n’ont point de retentissement, ces députations ne sont point reçues par l’empereur. La politique autrichienne est pour les Magyars une énigme et en même temps une sanglante humiliation. Peuple sans appui, victime, en cette affaire, de ses propres fautes, qui ont envenimé et même commencé la lutte, il se demande avec anxiété quelles mystérieuses infortunes sont cachées pour lui dans cette protection accordée aux Illyriens contre l’intérêt hongrois. Aurait-on le projet de pousser un jour cette grande querelle jusqu’à ses dernières conséquences ? Les