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fut imposée à la Suisse par les commissaires de la république française. On maintint dans la nouvelle division du territoire l’ancien nom de canton ; toutefois la répartition du sol était sur plusieurs points arbitraire, et l’organisation des dix-huit nouveaux cantons répondait entièrement à celle de nos départemens. Le gouvernement central et l’assemblée législative devaient siéger en permanence dans la ville d’Aarau.

On vit alors combien il restait en Suisse d’énergie à la vie cantonale, c’est-à-dire au principe d’autonomie des états, principe que l’action violente autant qu’irréfléchie du directoire français voulait anéantir. Les cantons forestiers de Schwytz et de Nidwalden[1] protestèrent les armes à la main contre l’introduction du régime unitaire, auquel ils ne se soumirent qu’après une résistance où l’on vit se renouveler les prodiges de Morgarten et de Grandson. Cette lutte avait à peine cessé, que les armées de la coalition et celles de la France prirent pendant deux ans la Suisse orientale pour un de leurs champs de bataille les plus obstinément disputés. Enfin les armes françaises eurent définitivement le dessus, et la constitution unitaire, fortifiée par l’accession du Valais et des Grisons, essaya de fonctionner avec quelque apparence de régularité : Genève, Neufchâtel et Porentruy, incorporés à la république française, avaient, depuis 1798, cessé de figurer dans le corps helvétique.


IV.

Deux faits restaient établis en Suisse : le triomphe de la démocratie et l’ascendant de la France. Investi de tout le pouvoir qui est compatible avec le maintien de la liberté, Bonaparte, premier consul, voulut assurer à son pays la possession définitive des avantages qu’il avait conquis dans les cantons, et en même temps replacer la république helvétique sur les bases que des affections séculaires, fortifiées par l’expérience des dernières années, lui faisaient considérer comme seules capables de garantir sa prospérité intérieure. L’occasion d’exécuter ce projet bienveillant autant que sage ne tarda point à s’offrir. Aloys Reding, l’intrépide et patriotique défenseur de Schwytz, se mit, au mois de septembre 1803, à la tête d’un mouvement insurrectionnel qui tendait à rétablir les anciennes souverainetés cantonales, et qui renversa, presque sans coup férir, le gouvernement unitaire placé sous la protection déclarée de la France : Bonaparte, que tous les partis s’entendaient alors pour désirer comme médiateur, rétablit avant tout l’occupation militaire du pays ; mais, aussitôt qu’il eut désarmé matériellement les partis, il fit droit à leurs justes demandes en leur imposant l’acte de médiation qui porte la date du 19 février 1804. La période de décomposition

  1. Division orientale du canton d’Unterwalden.