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— Madame de Moncar, s’écria un des, voyageurs, je pense que vous n’avez pas le projet d’habiter ces ruines et ce désert ?

— Non, vraiment, ce n’est pas mon projet ; mais voici de hautes futaies, des bois agrestes. M. de Moncar pourrait bien être tenté, au moment des chasses, de venir ici passer quelques mois d’automne.

— Mais alors il faut abattre, reconstruire, déblayer, arracher !

— Faisons un plan, s’écria la jeune comtesse ; sortons, et traçons le jardin futur de mes domaines.

Il était dit que cette partie de plaisir tournerait à mal. En ce moment, un gros nuage creva et laissa tomber une pluie fine et serrée. Impossible de quitter le salon.

— Mon Dieu ! qu’allons-nous faire ? reprit Mme de Moncar ; les chevaux ont besoin de plusieurs heures de repos. Il est évident qu’il pleuvra long-temps. Cette herbe qui pousse partout est mouillée à ne pouvoir laisser faire un pas d’ici à huit jours ; toutes les cordes du piano sont cassées. Il n’y a pas un livre à dix lieues à la ronde. Ce salon est glacial et triste à mourir. Qu’allons-nous devenir ?

En effet, la bande, naguère joyeuse, perdait insensiblement sa gaieté. Les chuchotemens et les rires étaient remplacés par le silence. On s’approchait des fenêtres ; on regardait le ciel : ce ciel restait sombre et chargé de nuages. Tout espoir de promenade était désormais impossible. On s’assit, tant bien que mal, sur les vieux meubles. On essaya de ranimer la conversation ; mais il est des pensées qui ont besoin, comme les fleurs, d’un peu de soleil, et qui restent éteintes quand le ciel est noir. Toutes ces jeunes têtes semblaient s’incliner, battues par l’orage, comme les peupliers du jardin, que, d’un regard oisif, on voyait ondoyer au gré du vent. Une heure s’écoula péniblement.

La châtelaine, un peu découragée du non-succès de sa partie de plaisir, languissamment appuyée sur le balcon d’une fenêtre, regardait vaguement ce qui se trouvait devant elle.

— Voilà, dit-elle, là-bas, sur le coteau, une petite maison blanche que je ferai abattre ; elle cache la vue.

— La maison blanche ! s’écria le docteur. Il y avait plus d’une heure que le docteur Barnabé était immobile sur sa chaise. La joie, l’ennui, le soleil, la pluie, tout s’était succédé sans lui faire proférer une parole. On avait complètement oublié sa présence ; aussi tous les regards se tournèrent-ils brusquement vers lui, lorsqu’il fit entendre ces trois mots : — La maison blanche !

— Quel intérêt portez-vous donc à cette maison, docteur ? demanda la comtesse.

— Mon Dieu ! madame, prenez que je n’aie rien dit. On l’abattra sans nul doute, puisque tel est votre bon plaisir.

— Mais pourquoi regrettez-vous cette vieille masure ?