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d’Esther et de Mardochée à Hamadan. À cette grille sont suspendus divers écriteaux avec des citations du Coran que les pieux musulmans portent respectueusement à leurs lèvres en faisant le tour du tombeau. Au-dessous de l’appartement qui contient le cénotaphe, est une seconde voûte qui est censée représenter la fosse aux lions dans laquelle Daniel fut jeté par ordre de Darius, roi des Mèdes. La muraille occidentale de l’édifice est baignée par le Shapour (l’Eulœus d’Hérodote et l’Ulaï de l’Écriture sainte), petite rivière peu large, mais profondément encaissée et navigable jusqu’à son confluent avec le Kouran, près de la ville d’Ahvaz. A quelques pas du monument, sur le bord de l’eau, on trouve trois grands fragmens de marbre blanc. L’un est un chapiteau de colonne avec des ornemens sculptés en feuilles de lotus ; l’autre est une tablette avec des inscriptions cunéiformes, et le troisième, un grand bas-relief représentant un homme entre deux lions grossièrement sculptés. A partir du tombeau de Daniel, tout le terrain compris entre l’Euloeus et le Copratas est semé de ruines ou de tertres recouverts de broussailles, mais formés évidemment, d’après leur configuration, d’autres ruines plus compactes et probablement mieux conservées. Il y aurait ici des trésors archéologiques à mettre au jour. La nature et le cours des événemens semblent s’unir d’ailleurs pour conserver dans ces localités la trace de toutes les traditions bibliques. Ainsi aux lieux mêmes où l’Écriture sainte nous représente le prophète Daniel comme ayant été jeté vivant dans la fosse aux lions, les lions sont plus nombreux que jamais. Ils sont aujourd’hui les seuls habitans de Suze, et leurs rugissemens éveillent chaque nuit les échos de cette plaine où la tradition place le tombeau du prophète hébreu.

La route suivie par M. de Bode, à partir de Dizfoul jusqu’à Téhéran, n’offre plus rien qui mérite de nous arrêter. Nous pouvons donc constater maintenant les résultats archéologiques de ce voyage, dont nous avons déjà fait ressortir l’intérêt statistique et ethnographique. Ces résultats sont importans et nombreux ; nous les citerons dans leur ordre. — On doit d’abord à M. de Bode la détermination des limites exactes et de la physionomie actuelle de l’ancienne Chaldée. — Certains points des Écritures restés douteux jusqu’à lui ont été éclairés par ses recherches. La route d’Alexandre, depuis Suze jusqu’à Persépolis, a été retrouvée et fixée. Enfin M. de Bode a précisé la position géographique de Suze, de façon à rendre sur ce point toute nouvelle controverse inutile. Pendant long-temps, on avait cru retrouver Suze dans Shouster ; mais les recherches de M. de Bode ont démontré, contrairement à cette supposition, qu’il fallait chercher l’emplacement de Suze parmi les immenses ruines connues aujourd’hui sous le nom de Shoush. Les palais, les principaux monumens de Suze, ayant été construits non en marbre, comme ceux de Persépolis, mais en briques cuites au soleil, comme ceux de Babylone, ont partagé le sort de ces derniers, c’est-à-dire qu’il n’en est point resté de suffisamment intacts pour que le voyageur moderne pût en reconnaître la destination. Cependant, si l’on ne peut plus distinguer l’usage des diverses constructions, on peut au moins apprécier l’époque et le style de l’architecture. Or, tandis que Schouster n’offre ni un monument ni une ruine que l’on puisse faire remonter à une époque plus ancienne que le kalifat, les ruines de Shoush, au contraire, appartiennent certainement à l’époque babylonico-perse ; enfin la position de Shoush s’accorde seule avec celle qui est assignée par les historiens à l’ancienne capitale, Strabon fixe à quatre mille stades (environ