Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de loin leurs maisons blanches, leurs tours crénelées se dressant au milieu des prairies et des bouquets d’arbres : presque toutes les anses de la côte avaient leur groupe d’habitations, que semblaient protéger encore quelque tour, quelque château-fort, rendus inutiles par la prise d’Alger. Lorsque nos yeux quittaient ce pittoresque paysage, qui se développait à droite de notre barque, ils rencontraient à l’avant l’île de. Lipari surgissant peu à peu de la mer, tandis que ses sœurs, Alicuri,. Filicuri et Saline, formaient sur notre gauche un vaste demi-cercle, et qu’à l’arrière le soleil, semblable à un boulet rougi, s’abaissait derrière le promontoire bombé de Céphalu, en couvrant d’une vive teinte d’ocre la terre le ciel et la mer.

Au point du jour, nous étions en face de Milazzo, et, quelques heures, après, nous prenions possession d’un logement confortable admirablement placé pour nos recherches. Grace aux soins empressés du chargé d’all’aires de France, M. le baron Lucifero nous avait généreusement cédé sa maison de campagne, placée à l’extrême pointe de la presqu’île, à quelques minutes à peine des deux côtes opposées. Les tables furent bientôt dressées, couvertes de nos appareils de travail, et, sans tarder, nous commençâmes l’exploration de notre nouveau domaine.

Semblable en cela aux îles Favignana, Milazzo n’est jamais visitée par les étrangers que l’amour des voyages amène en Sicile. Bâtie sur un isthme étroit qu’elle occupe en entier, cette petite ville a pour territoire, d’un côté, la presqu’île qui porte son nom, de l’autre, une plaine de peu d’étendue qu’entoure, comme un demi-cercle, la chaîne escarpée des monts Pelores, dominée dans le lointain par le sommet fumant de l’Etna. D’étroits sentiers, praticables seulement pour les mulets du pays, conduisent aux routes de Messine et de Palerme. Ainsi isolés du reste de l’île, les habitans de Milazzo nous ont paru présenter un caractère exceptionnel, plein d’énergie et d’activité. Nulle part nous n’avons rencontré une culture plus avancée. Dans la plaine, dans la presqu’île surtout, le moindre pouce de terre est mis à profit. Les vignes, les oliviers, remplacent presque partout les cactus ou les aloès, et, descendant jusque sur la plage, ombragent des maisons de campagne d’une architecture simple, mais élégante, dont les terrasses plongent dans la mer. Un petit port, assez bien abrité contre les vents de l’ouest et du nord, favorise l’échange des produits du sol, et le commerce entretient dans la population une aisance générale. Les rues voisines du port sont larges et assez bien bâties ; mais elles se changent en ruelles tortueuses en s’élevant sur une colline escarpée, coupée à pic du côté de l’ouest et couronnée par une forteresse, que garde toujours une nombreuse garnison. C’est à Milazzo que Louis-Philippe, alors duc d’Orléans, a passé plusieurs années. Banni de France à cause de son nom, repoussé par la cour de Naples à cause de ses opinions libérales, le futur