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roi des Français était venu chercher un asile dans ce petit coin du globe, et peut-être qu’au milieu des splendeurs de sa royale demeure il se rappelle encore avec bonheur l’humble petite maison blanche que nous montrèrent nos ciceroni.

La presqu’île de Milazzo consiste en une langue de terre de forme très irrégulièrement ellipsoïde, dont la plus grande largeur est à peine d’une demi-lieue, et qui, se détachant à angle droit du rivage, s’avance à près de deux lieues en mer. La constitution géologique en est assez remarquable. La côte où elle semble prendre naissance est formée par le grès, à une assez grande distance en tous sens. À peine a-t-on dépassé l’isthme, qu’on rencontre des gneiss et des micaschistes, roches d’une origine beaucoup plus reculée. Ces roches occupent la plus grande étendue du terrain, et forment au centre de la presqu’île une petite montagne appelée Monte-Venereo. Au-delà, on rencontre encore, pendant quelque temps, des terrains de même nature ; mais bientôt ces terrains disparaissent sous des couches de cailloux roulés et de sable transformé en grès. Plus loin, sur les bords d’une falaise escarpée, on trouve une couche mince, remplie des pétrifications caractéristiques du calcaire de Palerme, plus loin enfin une assise épaisse de calcaire compacte, qui forme l’extrémité du cap. Ainsi, cette localité présente dans leur ordre de superposition naturelle, et comme par échantillons, presque tous les principaux terrains qui, ailleurs isolés et en grandes masses, composent plus des deux tiers de la Sicile.

Dans les couches de calcaire dont nous venons de parler, le choc des vagues arrivant de la haute mer a creusé des chambres et des bassins où croissent d’épaisses touffes d’algues et de fucus, asiles de maintes populations marines. C’étaient là autant de viviers qui nous promettaient des pêches fructueuses. Nous comptions en outre sur les espèces terricoles dont nous espérions rencontrer de nombreux représentans sous les blocs bouleversés recouverts à peine de quelques pouces d’eau ; mais une circonstance imprévue vint ici tromper notre espoir. Sous l’influence de conditions assez difficiles à apprécier, mais parmi lesquelles une évaporation plus ou moins prompte joue certainement un rôle actif, l’eau de ces mers tantôt dissout, tantôt abandonne une certaine quantité de calcaire enlevé aux roches submergées. Dans le dernier cas, la matière calcaire se dépose comme une sorte de vernis à la surface des pierres et des galets qu’elle agglutine les uns aux autres, fermant ainsi la plupart des passages par où les annélides et les vers de tout genre pourraient se glisser dans leurs interstices. Cette espèce de soudure présente une très grande résistance, et souvent les efforts réunis de nos hommes, armés de leviers solides, n’ont pu suffire à décoller telle pierre que l’un d’eux aurait facilement roulée avec ses seules mains, si elle eût été libre.