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successivement qu’il est Français, Parisien, qu’il habite telle rue, tel numéro, enfin qu’il porte tel ou tel nom. D’après ces faits et cent autres semblables, n’est-on pas en droit de conclure que les divers degrés de parenté zoologique, d’affinité, sont en rapport direct avec la durée des ressemblances primordiales présentées par les embryons ? Ou, pour formuler autrement notre pensée, ne doit-on pas admettre que l’identité apparente entre deux germes se développant à côté l’un de l’autre durera d’autant plus long-temps que ces germes appartiendront à deux animaux plus rapprochés par leur nature ?

Nous avons employé à dessein les mots d’identité apparente. C’est qu’en effet il est souvent difficile de ne pas s’y tromper. Deux térébelles d’espèce différente ne pourront être distinguées l’une de l’autre qu’au dernier moment de leur évolution. Est-ce à dire que jusqu’à cette époque les germes aient été réellement identiques ? Nous ne le pensons pas. Avec M. Chevreul, nous sommes convaincu que des différences, se prononçant, sous l’influence de circonstances semblables, chez des êtres qui jusqu’alors pouvaient être confondus, supposent l’existence de différences correspondantes dans l’état antérieur de l’organisation[1]. Pour être inappréciables à nos sens, ces différences n’en existent pas moins. C’est en ne tenant pas assez compte de cette distinction que des hommes d’un haut mérite se sont laissé entraîner, surtout en Allemagne, à des spéculations hasardées, et que nous avons vu des théories abstraites, décorées du nom de philosophie de la nature, retarder pendant tant d’années les véritables progrès des sciences naturelles.

Tandis que ces divers travaux occupaient M. Edwards, M. Blanchard et moi ne restions pas inactifs. M. Blanchard avait dignement rempli la mission que lui avaient confiée les administrateurs du Jardin des Plantes. Plus de deux mille espèces d’insectes, représentées par au moins huit mille individus, étaient rangées en ordre dans ses boîtes. Environ cinq cents de ces espèces manquaient aux galeries du Muséum, et trois cents au moins étaient nouvelles pour la science. On voit que notre compagnon avait fait preuve d’activité ; mais, tout en s’acquittant des devoirs que lui imposait sa qualité d’aide-naturaliste chargé de recueillir des échantillons, M. Blanchard n’avait nullement négligé des travaux d’un ordre plus élevé. Lui aussi pouvait regarder avec complaisance ses cartons et ses cahiers de notes. Il rapportait entre autres, sur le système, nerveux des mollusques gastéropodes, un mémoire d’un grand intérêt. Malgré les magnifiques travaux de Cuvier sur ces animaux, il reste encore beaucoup à faire. Leur système nerveux surtout était encore peu connu. Cuvier n’y avait distingué qu’un nombre très limité de ganglions,

  1. Considérations sur la philosophie de l’Anatomie (Journal des Savans, 1840).