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s’entendre de nouveau avec la puissance dont on leur reproche d’être les habituels et complaisans instrumens. Cette alliance nouvelle, ils ont trouvé tout simple de la signifier au monde par une mesure violente, immorale et mesquine. De telles fautes discréditent ceux qui les commettent. Le roi de Prusse, qui vise à exercer sur les esprits allemands une sorte d’influence morale et religieuse, doit comprendre aujourd’hui que son autorité est un peu diminuée par la répulsion qu’inspire l’attentat dont il a pris sa part de responsabilité. Dans les harangues officielles et philosophiques dont il veut bien quelquefois gratifier ses peuples, comment osera-t-il parler de justice, le souverain qui vient de commettre envers un voisin si faible une injustice si patente ? Comment s’y prendra-t-il pour prêcher le respect dû aux prérogatives de sa couronne, le prince qui vient d’effacer de sa main une partie des traités qui seuls lui donnent droit à l’obéissance de bon nombre de ses sujets ? Il sera curieux d’entendre parler encore avec enthousiasme des vieux souvenirs de la grande famille teutonique par le monarque qui a si lestement traité le dernier vestige d’une nationalité qui avait bien aussi ses traditions et sa gloire ! L’Autriche n’aperçoit-elle pas aussi qu’en recevant à contre-cœur, d’un ancien rival, le présent fatal qui lui est aujourd’hui abandonné, elle dévoile aux yeux les moins clairvoyans les secrets de sa faiblesse ? Cette faiblesse n’était plus un secret depuis long-temps pour ceux qui ont réfléchi sur les embarras croissans de cette grande monarchie si peu homogène, tour à tour ébranlée au nord par les velléités de la diète hongroise, inquiétée au midi par les sourdes rumeurs de l’Italie toujours frémissante, et qui voit chaque jour son ancienne autorité en Europe s’user aux mains d’un ministre vieillissant. Ou nous nous trompons fort, ou M. de Metternich doit entrevoir d’assez mauvais jours et jeter d’assez sombres regards sur l’avenir. Si on doit jamais remettre en question la conservation, dans son état actuel, de cet édifice autrichien si péniblement construit de tant de pièces différentes, si soigneusement préservé jusqu’à présent de toutes secousses, la faute en sera bien aux derniers actes de sa carrière politique. Une considération imposante maintenait l’influence de l’Autriche auprès des petites puissances de l’Allemagne : c’était l’aversion qu’elles lui supposaient pour toute espèce de mesures violentes. Les traités de 1815 leur paraissaient particulièrement placés sous sa sauvegarde ; comment imaginer qu’un coup aussi rude leur serait porté ? C’était sur ce cabinet-là même qu’elles comptaient plus que sur tous les autres pour les défendre au besoin le jour où ils seraient attaqués, et c’est lui qui se charge d’apprendre au monde qu’on y peut toucher pour le plus mince intérêt, et sous les plus frivoles prétextes ! Voilà des griefs qui ne seront pas fort ébruités, mais qui dureront long-temps aux cœurs des princes et des hommes d’état de l’Allemagne. La cour de Vienne