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s’apercevra un jour de ce qu’elle a perdu à sortir ainsi de ses voies ordinaires. C’est surtout de l’autre côté des Alpes que la nouvelle de la réunion de la ville de Cracovie aux états de sa majesté autrichienne a soulevé l’indignation la plus vive et le courroux le plus général. On aurait dit qu’une nouvelle province venait d’être arrachée à la patrie italienne. Les manifestations des populations n’ont pas été partout entravées par les autorités du pays. Quelques-unes ont été singulières et peuvent donner à penser aux gouverneurs de la Lombardie. Dans la nuit du 5 décembre dernier, anniversaire du jour où, il y a cent ans, les Autrichiens furent chassés de Gênes et de presque toute l’Italie, des feux de joie furent tout à coup allumés par des mains inconnues sur les sommets de la longue chaîne des Apennins. En un instant, ces lueurs soudaines avaient couru, de sommet en sommet, depuis les montagnes abruptes qui plongent sur le golfe de Nice jusqu’aux collines qui viennent mourir dans la mer Adriatique. Les états autrichiens en Italie furent, à un moment donné, comme entourés dans un cercle de feu. Le jour où des lueurs non moins brillantes et non moins rapides viendront de proche en proche percer cette obscurité profonde où l’Autriche s’efforce de retenir encore les intelligences italiennes, ce jour-là son étoile pâlira ; il ne lui suffira pas, pour conserver sa domination, de promener bruyamment, comme aujourd’hui, des canons de Vérone à Mantoue, d’augmenter le nombre des régimens italiens qui vont chaque année transir de froid dans les steppes de la Hongrie, et de grossir les bandes de ces soldats croates qui font aujourd’hui retentir de leurs pas pesans les dalles des quais de Venise, ou montent nonchalamment leur garde devant les palais des Palladio et les fresques des Vinci.

Si quelque chose pouvait ajouter au mal que se sont fait à elles-mêmes les deux cours du Nord, ce seraient les maladroites justifications qu’elles ont essayées, et dont la version la plus étendue et la plus étrange a paru dans un journal de Leipzig et non dans le journal officiel de Vienne, comme se sont trop empressées de l’affirmer quelques feuilles publiques de France et d’Angleterre qui ne sont pas bien au fait des habitudes des chancelleries allemandes. Ces chancelleries ne livrent pas avec tant de sans-façon les motifs officiels de leurs actes à l’appréciation indiscrète du public. Quand la fantaisie leur vient de faire entendre à l’Europe l’opinion soi-disant nationale de l’Allemagne, elles s’adressent à la complaisance de quelque journal censuré, quelquefois même, comme dans le cas actuel, à un recueil de couleur plutôt libérale. On ne revient pas de l’incomparable aplomb avec lequel la gazette qui a été honorée cette fois de la confiance des cours du Nord développe leur théorie sur la valeur qu’il faut attribuer aux divers actes du congrès de Vienne. Cette théorie, inventée en 1846, pour les besoins de la cause, est bien simple. La voici en peu de mots. Le congrès de Vienne