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elle contiendrait, dit-on, cette énonciation, qu’aucune puissance signataire du traité de Vienne ne saurait prétendre s’affranchir des stipulations de ce traité sans en affranchir également toutes les autres ; toutefois il n’y serait pas question de la valeur que la France attribue maintenant aux traités eux-mêmes.

En présence du défi qui leur avait été si hardiment jeté, sans doute les deux grands gouvernemens qui ont l’honneur d’être en ce moment en Europe les défenseurs de la cause du droit et de la justice auraient pu parler un langage plus énergique, mais, comme nous l’avons dit, à la condition d’être parfaitement unis et d’avoir préalablement concerté ensemble tout un plan de conduite et d’action. Cette attitude, ils pourront la reprendre, ils la reprendront certainement le lendemain même d’une réconciliation. En attendant, et dans leur isolement même, il y a encore pour l’Angleterre, et surtout pour la France, un rôle considérable à jouer. La violation des traités a toujours été considérée comme un cas de guerre entre les nations. La violation des traités de 1815, consommée sans avis préalable, avec les circonstances qui l’ont accompagnée et les doctrines dont elle a été appuyée, donnait aux deux nations lésées un droit légitime de guerre contre la Russie, la Prusse et l’Autriche ; bien des guerres ont eu lieu pour de moins justes causes et de moins grands intérêts. Fallait-il cependant, en ce qui nous regarde, aller jusqu’à cette extrême limite de notre droit, dénoncer à notre tour les traités qu’on n’avait pas observés envers nous, entrer en campagne par la prise de Landau et l’invasion des provinces de la Prusse qui avoisinent nos frontières, marchant ainsi tout droit à la conquête de la rive gauche du Rhin ? Ces plans belliqueux auraient pu être du goût de quelques imaginations ardentes. La portion saine et intelligente de la nation les eût repoussés. Elle eût compris que, si le droit était incontestable, l’usage en eût été excessif. C’eût été répondre à un acte révolutionnaire par des représailles également révolutionnaires, et perdre gratuitement les avantages que donne toujours la modération quand elle est jointe à la raison et à la force. On ne voit pas bien d’ailleurs de quel droit, et sans une absolue nécessité de défense nationale, nous aurions été, sous prétexte de venger la confiscation de la ville libre de Cracovie, confisquer à notre profit des états dont l’indépendance mérite à coup sûr le même respect. Le bruit s’est répandu un instant que le cabinet avait songé à relever les fortifications d’Huningue : c’eût été, je le crois, une autre faute. Ce n’est pas le traité de Vienne qui nous interdit de fortifier Huningue, c’est le traité du 20 novembre 1815, signé à Paris après la seconde invasion. Il n’y a point de rapport entre les deux traités. Ils ont été signés par la France à des époques et dans des fortunes diverses. A Vienne, nous débattions au même titre et sur le même pied que les autres grandes puissances, les arrangemens territoriaux