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de l’industrie nationale. Voilà donc une vaste discussion préliminaire organisée avant tout débat dans les chambres. C’est une enquête spontanée que les intérêts en jeu se sont eux-mêmes chargés de dresser et qui apportera au parlement d’utiles lumières. Il restera aux chambres à soumettre tous ces faits et toutes ces théories à une appréciation supérieure en se plaçant non pas à tel point de vue exclusif de l’économie politique, mais en prenant position dans les larges voies du bon sens pratique.




HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE MODERNE,


par M. Victor Cousin[1]

Lorsque M. Cousin entreprit, il y a quelques années, de reproduire pour le public de nos jours les leçons de sa jeunesse, plus d’un ami de la philosophie le vit avec quelque regret s’engager dans une entreprise qui paraissait plus difficile que glorieuse. Quelques-uns même étaient persuadés qu’un labeur si ingrat fatiguerait bientôt le vif esprit qui se l’était imposé, et qu’il s’arrêterait en route. M. Cousin a tenu ferme, il est allé jusqu’au bout, et ce n’est pas sans une satisfaction secrète et bien légitime qu’il présente aujourd’hui à ses amis et au public les cinq volumes où son premier enseignement reparaît tout entier à la lumière.

Parmi ces leçons, dont l’imposant ensemble forme sans contredit un des ouvrages les plus considérables de notre temps, nous signalerons particulièrement à l’attention du public philosophique celles qui composent le quatrième et le cinquième volumes, l’un consacré au père de la philosophie allemande, Emmanuel Kant, l’autre à la philosophie écossaise, représentée par trois grands personnages, Hutcheson, Adam Smith et Reid. M. Cousin prend une position très nette et très ferme en face de ces deux écoles qui ont entre elles beaucoup plus d’analogie qu’on ne le soupçonnerait au premier coup d’œil. Un premier trait qui leur est commun et qui les rattache étroitement à la pensée générale du XVIIIe siècle, c’est, à des degrés divers, une sorte d’horreur pour la métaphysique. Il faut convenir que le siècle précédent en avait singulièrement abusé. Reid et Kant, comme la plupart des grands esprits de leur temps, n’ont foi qu’à l’expérience, à l’analyse, et leur métaphysique se réduit à une anatomie plus ou moins profonde de l’esprit humain. Mais il est au sein même de l’esprit humain des idées sublimes, des aspirations puissantes, de nobles pressentimens, qui l’élèvent et l’emportent comme en dépit de lui hors des limites de l’expérience, et le conduisent à cette région supérieure où habite, avec la justice infaillible et l’éternelle beauté, le type absolu de la perfection. C’est ici que le grand moraliste qui a écrit la Critique de la Raison pratique, aussi bien que le père de la philosophie du sens commun, protestent hautement contre le sensualisme impie et dégradant de leur époque. Tous deux entreprennent d’arracher au scepticisme les vérités morales et religieuses ; mais tous deux, hélas ! et c’est un dernier nœud qui les rapproche, n’arrivent à ce noble but qu’en prenant des chemins détournés et en évitant plus d’une fois dans leur route la logique inflexible qui leur barre le passage.

Hâtons-nous de dire que ce caractère d’inconséquence est beaucoup plus for-

  1. Cinq volumes in-18, chez Ladrange, quai des Augustins.