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3 août 1805, à l’amiral Decrès). Le plan d’opérations que vous m’avez fait connaître ne pouvait être mieux conçu. Il était divin… Mais voici aujourd’hui soixante jours que nous sommes partis de la Martinique… Les Anglais ont eu le temps de renforcer leur escadre du Ferrol. Tout cela, selon moi, a pu déconcerter un si beau plan. L’ennemi connaît à présent nos forces. La saison lui est favorable, et, en sortant d’ici, nous devons nous attendre à être attaqués. Après ce combat, l’ennemi enverra quelques avisos avertir l’escadre de Brest. Il nous fera suivre et guetter afin de nous obliger à combattre de nouveau avant d’attérir sur Brest. Ainsi se trouvera détruit le plan de la campagne. Ce plan eût réussi sans doute si nous fussions arrivés promptement au Ferrol. J’ai fait savoir d’ailleurs à l’amiral Villeneuve que je suis prêt à partir au premier signal. »

Pendant que Villeneuve hésitait encore sur la route qu’il devait prendre, les escadres ennemies étaient en mouvement sur tous les points du golfe. Le contre-amiral Stirling, rappelé devant Rochefort, trouvait ce port vide. La division Missiessy, alors commandée par le capitaine Lallemand, en était sortie depuis plusieurs jours et cherchait à opérer sa jonction avec l’amiral Villeneuve. Calder, auquel il ne restait plus que 9 vaisseaux, envoyait reconnaître, le 9 août, le Ferrol et la Corogne, où le capitaine Durham comptait 29 vaisseaux ennemis, et ralliait, le 14 août, sous Ouessant, l’amiral Cornwallis. Le lendemain, Nelson arrivait aussi à la tête de 10 vaisseaux, en laissait 8 devant Brest, et faisait route pour Portsmouth avec le Superb et le Victory. Quand bien même la flotte combinée eût été augmentée de la division du capitaine Lallemand, elle n’eût point eu l’avantage du nombre sur l’armée que possédait en ce moment Cornwallis ; mais par un excès de confiance ou d’agitation qui eût pu lui devenir funeste, par une insigne bêtise, écrivait l’empereur, Cornwallis faisait à l’instant deux parts égales de sa flotte. De ses 35 vaisseaux, il en gardait 17 pour surveiller Gantheaume et expédiait les 18 autres, sous l’amiral Calder, à l’entrée du Ferrol.

La jonction que redoutait Villeneuve s’était donc opérée, comme il l’avait prévu. Si la flotte combinée, mouillée depuis le 2 août au Ferrol, n’eût point été servie par la lenteur même de ses mouvemens, si elle fût venue se jeter au milieu des 35 vaisseaux de Cornwallis, on peut douter encore, après ce qui s’est passé à Trafalgar, que cette flotte, en se faisant détruire, eût assez maltraité les vaisseaux ennemis pour assurer du moins la sortie de l’amiral Gantheaume. Si Villeneuve, au contraire, ainsi que l’a fait remarquer M. Thiers, eût rallié à Vigo la division Lallemand, qui mouilla le 16 août dans ce port, il aurait eu la chance, en se portant sur Brest, de se croiser sans le rencontrer avec l’amiral Calder, et de surprendre avec 33 vaisseaux les 18 vaisseaux de Cornwallis sous Ouessant[1]. Il est plus probable cependant que Calder, qui reparut

  1. Histoire du Consulat et de l’Empire, tome V, page 444.