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qu’ils avaient formée à la hâte pendant la nuit ; les vaisseaux anglais se couvraient de voiles, et leurs bonnettes, établies des deux bords, laissaient arriver sur l’ennemi. A huit heures, l’amiral Villeneuve reconnut qu’un engagement général était inévitable. Il s’y prépara sans faiblesse, et, d’un coup d’œil exercé, choisit son terrain pour combattre[1]. Par une conversion rapide, l’armée, virant de bord tout à la fois, mit le cap vers Cadix. Ce port restait ainsi ouvert aux vaisseaux qui seraient désemparés. La ligne de bataille fut ensuite formée sous ces nouvelles amures, et la flotte combinée attendit la flotte anglaise.

Une légère brise d’ouest-nord-ouest gonflait à peine les plus hautes voiles des vaisseaux. Portée sur les longues ondulations de la houle, symptôme infaillible d’une tempête imminente, la flotte de Nelson et de Collingwood s’avançait cependant avec une vitesse d’une lieue à l’heure. Elle s’était partagée en deux escadres, suivant le plan arrêté par Nelson. Le Victory conduisait la première escadre ; il avait derrière lui 2 vaisseaux de 98, le Téméraire et le Neptune, masse imposante, destinée à ouvrir la première trouée dans la ligne ennemie. Le Conqueror et le Leviathan, de 74, venaient après le Neptune et précédaient le Britannia, vaisseau de 100 canons, qui portait le pavillon du contre-amiral comte de Northesk. Séparé par un assez long intervalle de ce premier groupe, le vaisseau chéri de Nelson, que commandait alors l’ancien capitaine du Vanguard, sir Edward Berry, l’Agamemnon, guidait dans les eaux du Britannia 4 vaisseaux de 74, l’Ajax, l’Orion, le Minotaur et le Spartiate. L’Africa, vaisseau de 64, qui s’était laissé souventer pendant la nuit, faisait force de voiles pour reprendre son poste.

Le Royal Sovereign, de 100 canons comme le Victory, était monté par le vice-amiral Collingwood, et marchait en tête de la seconde escadre, Sorti récemment du bassin, cet excellent vaisseau avait retrouvé toutes ses qualités et semblait voler sur l’eau comme une frégate. Le Belleisle et le Mars le suivaient avec peine, le Tonnant et le Bellerophon serraient de plus près le vaisseau le Mars ; le Colossus, l’Achilles et le Polyphemus, se pressaient sur les pas du Bellerophon. Plus à droite, le Revenge amenait à sa suite le Swiftsure, le Defiance, le Thunderer et le Defence. Le Dreadnought et le Prince, de 98, mauvais voiliers tous deux, naviguaient

  1. Villeneuve suivit ici le conseil de Tourville. « J’ai déjà eu l’honneur de le dire au roi (écrivait au fils de Colbert l’illustre maréchal) : dès le moment que deux armées sont en présence et en état de se pouvoir reconnaître, il est impossible d’éviter un combat quand une armée ennemie voudra engager l’autre et qu’elle aura le vent… Il n’y aurait d’autre expédient que d’abandonner tous les vaisseaux qui ne seraient pas fins de voile, ce qui ne se peut pratiquer, car ce serait une manœuvre qui intimiderait tellement les équipages, qu’il serait très difficile de les pouvoir rassurer, lorsqu’il faudrait combattre. Tous les officiers-généraux et ceux qui ont de la pratique à la mer conviennent de ce fait, et que le meilleur parti (quoique inférieur en nombre) est d’attendre l’ennemi en bon ordre et de tenir une brave contenance. »