Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/268

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Long-temps avant cet épouvantable accident, le désordre le plus complet régnait à l’arrière-garde. Coupée sur tous les points, cette partie de la ligne ne présentait plus qu’un amas confus de vaisseaux entourés et près de s’affaisser sous le nombre. Le Monarca, d’abord canonné par le Tonnant, cède au feu du Bellerophon ; le Bahama se rend au Colossus ; l’Argonauta, écrasé par les premières volées de l’Achilles, est contraint d’amener son pavillon devant les nouveaux ennemis qui le pressent ; le San-Juan Nepomuceno est amariné par le Dreadnought. 7 vaisseaux français et 5 vaisseaux espagnols ont déjà succombé ; mais 10 vaisseaux anglais ont acheté chèrement ces premiers avantages : le Victory compte 159 hommes hors de combat, le Royal Sovereign 141, le Téméraire 123, le Mars et le Colossus ont éprouvé des pertes non moins considérables. Le premier de ces vaisseaux, dans son engagement avec le Pluton, a eu 98 hommes tués ou blessés ; le second 200, pendant qu’il combattait successivement l’Argonaute[1], commandé par le capitaine Épron, le Bahama et le Swiftsure. La prise de l’Algésiras a coûté 76 hommes au Tonnant ; le Bellerophon, dans son abordage avec l’Aigle, a perdu 150 hommes et son capitaine, atteint d’une blessure mortelle. Le Belleisle, bien que complètement démâté, a moins souffert que le Bellerophon et le Colossus. Le nombre des morts et des blessés s’élève, à bord de ce vaisseau, à 126, à 72 à bord de l’Achilles, à 70 à bord du Defiance, à 79 à bord du Revenge. Tels sont les vaisseaux anglais qui ont supporté tout le poids de l’action ; la plupart flottent désempares au milieu des vaincus, masses inertes et haletantes, incapables d’engager un nouveau combat ; mais une imposante réserve parcourt en ce moment le champ de bataille et recueille les fruits de leur victoire. Dans la seule colonne de Collingwood, colonne plus sérieusement engagée cependant que celle de Nelson, cette réserve se compose encore de 6 vaisseaux presque intacts : 2 vaisseaux à trois ponts, le Dreadnought, qui n’eut que 33 hommes atteints par notre feu, le Prince, qui n’en eut pus un seul ; 3 vaisseaux de 74, 1 vaisseau de 64, comptant à peine à la fin de la journée, le Defence 36 hommes tués ou blessés, le Thunderer 16, LE SWIFTSURE 17, le Polyphemus 6. Ces vaisseaux, arrivés sur le lieu de l’action trois heures après le Royal Sovereign et le Belleisle, portent sur tous les points de l’arrière-garde un irrésistible effort.

Un dernier groupe de vaisseaux français et espagnols s’est rassemblé autour de l’amiral Gravina. Appuyé du San-Idelfonso, le Prince des Asturies a déjà combattu le Defiance et le Revenge. Le Dreadnought, le Polyphemus et le Thunderer accourent pour l’accabler ; le Pluton et le Neptune accourent pour le défendre. Gravina est blessé ; son chef d’état-major, le contre-amiral Escaño, est atteint à ses côtés. Le San-Ildefonso amène sous la volée du Defence ; le Prince des Asturies sort alors

  1. L’Argonaute, avant de sortir du feu, avait eu 160 hommes mis hors de combat.