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être ici le principe le plus efficace du bon marché. Rappelons les principales circonstances par lesquelles cette vérité s’explique. Si nous entrons à cet égard dans quelques détails un peu minutieux, qu’on se souvienne que ces détails sont une réponse nécessaire aux calculs soi-disant positifs dont les comités prohibitionistes se prévalent aujourd’hui.

On sait d’abord que, pour un constructeur de machines, une première épreuve coûte toujours beaucoup plus à établir que les suivantes, Il y a des travaux préparatoires à exécuter, des plans à dresser, des dessins à faire, des modèles en bois à confectionner pour les fondeurs, Ce sont là des préparations nécessaires, qu’on ne peut éviter dans aucun cas. La dépense ne laisse pas d’en être assez considérable ; on peut l’amortir toutefois en la répartissant. Exécutés pour une seule machine, ces travaux peuvent servir ensuite pour toutes celles qu’on établira sur le même plan. En un mot, c’est une dépense une fois faite. Très lourde quand elle retombe tout entière sur une ou deux machines, cette dépense devient presque insignifiante quand elle se répartit sur un grand nombre. Or, dans un pays tel que la France, où la consommation est faible, il n’arrive que trop souvent que ces sortes de dépenses ne sont utilisées qu’une ou deux fois, et cela est vrai surtout pour les grosses machines, dont l’usage n’est pas très général. C’est une circonstance dont le constructeur doit tenir compte, sil ne veut pas risquer de se constituer en perte. Dans les pays, au contraire, où la consommation est très étendue et très active, cet inconvénient est beaucoup moins ordinaire ; il y a bien plus de chances pour qu’une machine se répète, et cela seul permet au constructeur d’en modérer le prix.

Aux frais qu’entraîne le défaut d’emploi des dessins et des modèles, il faut ajouter ceux qui résultent des erreurs commises, erreurs qui, en mécanique, sont à peu près inévitables dans un premier essai. Quelque soin, quelque attention qu’on apporte dans une première épreuve, il est bien rare que, soit le chef d’atelier, soit le dessinateur, soit même les ouvriers qui exécutent, si habiles qu’ils puissent être, ne se trompent pas au moins dans quelques détails, et ces erreurs, il faut ensuite, les corriger, ce qui entraîne une nouvelle aggravation du prix de revient. Aussi n’est-il pas extraordinaire qu’une première épreuve d’un mécanisme donné coûte un tiers de plus que les suivantes. C’est dire assez combien il importe que ces épreuves se renouvellent souvent.

Lorsque le gouvernement français conçut, il y a quelques années, le, projet de faire construire quatorze grands bateaux à vapeur pour la navigation transatlantique, et qu’il prit la résolution de confier la construction des appareils mécaniques à l’industrie française, on sait qu’il répartit sa commande entre plusieurs mécaniciens, en donnant à chacun d’eux seulement deux machines à exécuter. Cette répartition était peut-être