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Un poursuivant d’amour qui n’avait que sa haine.
Acharné sur sa trace, à toute heure, en tout lieu,
Au temple il se plaçait sans peur entre elle et Dieu ;
Il la suivait aux champs, hideux spectre, à la ville,
Et jusqu’en ce désert, près de ce lac tranquille.

Ses pieds nus sur le sable et les cheveux au vent,
Là, depuis le matin, jouait la belle enfant,
Et les cailloux dorés sous les eaux transparentes,
Les insectes errans, les mouches murmurantes,
Les poissons familiers venant mordre le pain,
Le pain de chaque jour émietté par sa main,
Ou le vol d’un oiseau, la senteur des eaux douces,
Les saules frissonnans, les herbages, les mousses,
Tout dans ce cœur mobile allait se reflétant…
Puis, Lina n’était pas seule au bord de l’étang ;
Le long du pré passait, repassait la nacelle
De son frère de lait, jeune et riant comme elle.

Dès que, de son jardin descendant l’escalier,
De loin apparaissait Lina, le batelier,
Pareil à l’alcyon qui chante sur les lames,
Loïs, chantant aussi, voguait à toutes rames ;
Et lorsque, les bras nus, le col tout en sueur,
Vers sa sœur bien-aimée abordait le rameur,
C’étaient pour elle, après maintes tendres paroles,
Des fleurs roses du lac aux humides corolles,
Des touffes de glayeuls sur l’onde s’allongeant,
Et, comme un beau calice, un nénuphar d’argent ;
Puis, de tous ces présens déposés sur la berge,
Le jeune batelier parait la jeune vierge,
Et, leur front entouré d’algues et de roseaux,
On les eût pris tous deux pour les Esprits des eaux.

— « Jetez cette couronne immonde, ô ma duchesse,
« Offrande d’un vilain, digne de sa largesse !
« Moi, pour vos blonds cheveux j’ai des couronnes d’or,
« Des perles que Merlin cachait dans son trésor ;
« J’ai pour vous un anneau de fine pierrerie,
« Où votre nom au mien avec art se marie
« Un mot de vous, madame, et mes mains poseront
« La bague à votre doigt, la perle à votre front ;
« Et, s’il faut plus encor, dites comment vous plaire :
« Il n’est labeur trop grand pour un si grand salaire.