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moment où ces lignes paraîtront, elle aura déjà été frappée d’abrogation à l’unanimité, temporairement ou non, ce n’est pas ce qui importe le plus. La Banque de France, de même, est en proie à l’inquiétude. Elle cherche des expédiens, et certainement elle en trouvera, car elle ne s’est pas commise ; elle est nantie d’un bon portefeuille ; elle a bonne renommée et ceinture dorée. Pourtant un fait est constaté de son aveu : dès qu’il survient quelque embarras extraordinaire, une de ces crises pour lesquelles sont faites les grandes institutions conservatrices de l’intérêt public, son mécanisme cesse de bien fonctionner, et elle est aux abois.

Il faut savoir le dire, c’est que notre législation des céréales n’est pas bonne : elle n’est pas établie sur les seules bases qui soient solides. La Banque, dont autant que personne je proclamerais les titres s’ils étaient contestés, laisse de même beaucoup à désirer ; elle n’est plus à la hauteur des principes et de la pratique du crédit. De ce qui se passe il faut tirer la conclusion que si nous sommes sages, si nous avons des yeux pour voir, nous referons la loi des céréales et nous modifierons le système de notre grande Banque, afin qu’elle ait une action plus conforme à l’état présent des idées sur la matière et aux enseignemens qu’a fournis l’expérience.


I. – CARACTERE VERITABLE DE LA SITUATION.

Avant tout, il convient de bien fixer un point essentiel : il n’y a rien de bien menaçant dans la situation. Je tiens à l’établir, non point par manière de précaution oratoire, ou simplement pour éviter d’être accusé de semer l’alarme ; je le dis parce que c’est ma conviction motivée.

Pour ce qui est des subsistances, la crainte d’en manquer serait sans fondement. La récolte a été faible, le fait est trop évident, et même ce n’est pas le blé seul qui a manqué. Les légumes secs sont chers, ce qui en atteste la rareté, et les pommes de terre sont restées atteintes de cette maladie qui est un désespoir pour les naturalistes presque autant que pour les hommes d’état ; mais la récolte du maïs a été abondante, précieuse compensation pour le sud-ouest, et les châtaignes, dont on sait que vit une bonne partie de la population dans les départemens du centre, ont beaucoup donné. En somme, un fort supplément d’approvisionnement nous était et nous est encore nécessaire, et c’est naturellement aux grains qu’il faut surtout le demander, car les autres alimens du règne végétal, tels que seraient des légumes secs, des châtaignes et des pommes de terre, ou ne sont pas produits à l’extérieur de manière à y offrir une grande surabondance, ou sont plus malaisés à conserver sains pendant un trajet de quelque étendue, ou justifient moins par leur valeur vénale et par leur puissance nutritive les frais de transport. Il est