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à la fois présens dans les ateliers. La commission n’eut à débourser que 55,000 francs, déduction faite de ce qu’elle reçut pour travaux faits. En outre, les fonds de la commission servirent à d’autres usages ; notamment 10,000 francs furent remis à une caisse particulière qui faisait des avances aux ouvriers sur leurs métiers, sans en demander le dépôt, et 5,000 fr. au mont-de-piété. La commission, après la crise, avait encore en caisse près de 50,000 francs qui lui ont servi dans une nouvelle période malheureuse, en 1840.

Telle est donc notre situation à l’égard des subsistances : le marché est et continuera d’être convenablement approvisionné jusqu’à la récolte ; le travail est garanti aux populations, afin qu’elles aient un salaire à troquer contre des subsistances, sans que ce soit une perte pour la société, puisqu’on applique les bras à des œuvres utiles, et que le salaire aura ainsi sa juste compensation. Si donc la raison publique reste ferme, si l’émeute ne vient pas créer une famine factice par la terreur, il n’y a aucun danger.

A l’égard de la Banque, le fond de la situation est encore plus rassurant. Les écarts de l’imagination populaire ne peuvent sur ce terrain faire aucun mal ; on n’y rencontre pas de difficulté intrinsèque semblable à celle qui résulte d’une mauvaise récolte.

La Banque était accoutumée d’avoir une quantité de numéraire tout-à-fait exubérante. Tous ceux qui ont quelque connaissance des conditions d’existence des institutions de crédit étaient frappés de l’abondance des écus dans ses caves. C’était, à peu de chose près, une somme égale à celle des billets en circulation. On remontrait à la Banque qu’ainsi son privilège d’émettre des billets était frappé de stérilité entre ses mains, et ce n’était pas sans raison, car elle n’en faisait aucun usage pour donner des facilités supplémentaires au commerce. L’action combinée de plusieurs causes, que nous indiquerons plus tard, a diminué cette masse d’espèces amoncelées et a mis la Banque, sous ce rapport, au niveau des autres institutions de crédit. En cela, on ne voit pas ce qu’il y a d’alarmant, pourvu que, parmi les causes qui font retirer les espèces de la Banque, on n’ait à compter ni des témérités de l’institution ni quelques folles spéculations du commerce français. Or, quant aux témérités, la Banque de France n’en fit jamais : personne jamais ne fut moins oseur. Elle fait profession d’outrer la maxime de Louis XVIII, qu’auprès de l’avantage d’améliorer il y a le danger d’innover. Au lieu de rien aventurer, elle a long-temps fermé les yeux pour ne pas apercevoir les innovations tentées ailleurs, celles même qui avaient réussi et que l’expérience avait sanctionnées. Il n’y a pas lieu non plus de signaler des spéculations déréglées de l’industrie française, dont la Banque, sans le vouloir ou sans le savoir, aurait été complice. Le commerce français, c’est une justice à lui rendre, est généralement sage.