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plus à croire ses inspirations infaillibles, et il tente des entreprises auxquelles il ne suffit pas toujours.

Sir Edward Lytton Bulwer, arrivant après Walter Scott à tenir le premier rang parmi les romanciers anglais, a eu la bonne fortune et le malheur dont nous venons de parler. Eugène Aram et Pelham, justement remarqués, l’un comme étude psychologique, l’autre comme une admirable satire du dandysme, lui avaient donné d’incontestables droits à une part du glorieux héritage que laissaient à recueillir la vieillesse et la décadence du novelist écossais. Il l’eut tout entier et sans partage : opulence inattendue, dont il usa comme un fils prodigue pour imposer à la mode des productions de plus en plus faibles, de plus en plus hâtives, et qui ont peu à peu, après des épreuves réitérées, découragé ses plus fervens admirateurs. Nonobstant quelques demi-succès, comme on en trouve toujours quand on multiplie les tentatives, l’auteur de Rienzi, des Derniers jours de Pompeï, du Désavoué, de Zanoni, du Dernier Baron, a fait oublier celui de Devereux, de Paul Clifford, des Pèlerins du Rhin, de Maltravers et d’Alice.

A plusieurs reprises, dans le cours d’une carrière laborieuse, — découragé sans doute par des revers qu’il ne pouvait se dissimuler, — on a vu sir Edward Lytton essayer de se rajeunir en se transformant. C’est ainsi qu’il a tenté de faire servir sa réputation de romancier à des travaux plus sérieux, à son livre sur l’Angleterre et les Anglais par exemple, critique assez amusante, mais très superficielle de l’état social chez nos voisins, ou bien encore à des études sur l’antiquité classique, telles que sa monographie d’Athènes. Auparavant, il avait brigué d’autres succès. Il avait voulu être poète, et, fort de sa popularité, il avait publié les essais de sa jeunesse. « Ceci, disait naguère un critique anglais, ne fut pas une heureuse inspiration. Ismael, conte oriental, O’Niel ou le Rebelle, les Jumeaux siamois, Eva, ont à peine laissé leur empreinte dans la mémoire des bibliographes et dans les catalogues dont elle se nourrit. Nous en dirons autant, ajoute-t-il, de certaines odes et chansons patriotiques où le style simple et solide (roast beef style) de la vieille Angleterre s’amalgame d’une assez étrange façon avec toute sorte de prétentions métaphysiques et d’idéalités à l’allemande, tant bien que mal douées d’une factice existence, au moyen d’initiales majuscules. »

Ce n’est pas tout. Un beau jour, le fantasque romancier eut la prétention de prouver « qu’un gentleman pouvait diriger un recueil périodique, » et, sans autre raison que celle-là, il prit la direction du New Monthly Magazine. On ne comprendra peut-être pas tout ce qu’un pareil caprice avait de bizarre ou d’exorbitant en Angleterre, chez un homme du monde. Cependant, une fois cet enjeu risqué, sir Edward Bulwer s’occupa tout de bon de sa tâche éditoriale, et ses articles ; réimprimés