Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/517

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des bénéfices assurés, une retraite pour les vieux jours, la sécurité pour l’avenir des familles, étaient promis aux associés. Pour opérer ces prodiges, on ne demandait que la concession gratuite des terrains et un capital de 400,000 francs par ferme. Les frais de construction, d’ameublement, d’outillage, de défrichement, de plantations, le déficit des premières années, reposaient sur ce modeste chiffre, aussi bien que le calcul des bénéfices probables. Appel était fait au gouvernement et au patriotisme du peuple français pour constituer ce capital de manière à ce que l’opération ne fût pas souillée par les impuretés de l’agiotage.

Nous n’entrerons pas dans la discussion de ce projet : M. Landmann en a fait justice en le modifiant, sinon dans son esprit évangélique, au moins dans ses dispositions matérielles. Dans ses récens mémoires adressés au roi et aux chambres, l’auteur se borne à proposer « de construire des fermes d’acclimatation, où les colons, au nombre de vingt à vingt-cinq familles, travailleront, pendant trois ans, sous une direction commune. » A chaque ferme, on adjoindrait une cinquantaine d’orphelins indigènes ou d’enfans trouvés venus de France. Tout colon pourrait quitter la ferme en prévenant six semaines à l’avance ; mais ceux qui y auraient travaillé pendant trois ans auraient droit à une part proportionnelle dans les bénéfices et à une concession en toute propriété de 10 hectares de terre, dont 3 en culture. S’ils consentaient à rester dix ans dans la communauté, ils recevraient, à leur sortie, les 10 hectares cultivés. Cet avantage ne serait fait qu’aux vingt-cinq colons fondateurs de chaque ferme ; les associés admis postérieurement n’auraient plus droit qu’au salaire et au bénéfice proportionnel. L’auteur évalue à 250,000 francs les frais pour la fondation et la mise en culture de chaque ferme d’une contenance de 1,000 hectares, et comme, selon lui, deux cents fermes bien échelonnées suffiraient à la consolidation de notre puissance en Algérie, il résulte que la dépense totale serait portée à 50 millions. Ce second projet soulève moins de difficultés que le premier ; toutefois il est encore assez éloigné de la pratique pour que nous doutions qu’il obtienne les honneurs de la discussion parlementaire. Trop confiant dans les inspirations de son zèle apostolique, le digne abbé n’est pas descendu jusqu’au détail de l’existence matérielle des colonies. Le moins que chaque ferme puisse vendre en grains chaque année, dit-il, c’est 4,600 hectolitres à 16 fr. ; total 73,600 fr. ; qu’à cette vente s’ajoute le produit des bestiaux et des cultures riches, et l’avenir de l’établissement est assuré. Par malheur, ceux qui connaissent assez les lois de l’agriculture et du commerce pour pénétrer jusqu’au cœur d’une affaire prieront M. l’abbé Landmann d’établir d’une manière plus précise le décompte des journées de travail, des salaires, des charrois, des frais de toutes sortes en regard des produits de vente ; ils lui demanderont, par exemple, comment, avec 750 hectares[1],

  1. Les 1,000 hectares de la ferme seraient réduits à 750 après dix ans, par la séparation des colons-fondateurs.