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Staoueli. Le 17 février 1843, vingt-cinq trappistes[1] obtinrent une concession de 1,020 hectares, dont moitié en terres réputées mauvaises, dans la plaine de Staoueli, près du petit promontoire de Sidi-Ferruch, où l’armée française opéra son débarquement en 1830. L’administration accorda en outre à ces religieux une subvention en argent de 62,000 fr., des bestiaux, des semences, et le concours de cent cinquante condamnés militaires pour les constructions : ces avances furent probablement grossies par les ressources personnelles de quelques religieux ou par des aumônes pieuses. Les deux premières années furent rudes : une influence épidémique ajouta un danger réel à la fatigue des défrichemens. Sur trente-huit trappistes, huit moururent à la peine, et les autres furent plus ou moins atteints dans leur santé. Les condamnés militaires, ne voulant pas que des moines l’emportassent sur eux en énergie, travaillèrent avec une ardeur qui coûta la vie à trente-sept d’entre eux ; mais aussi, dès la troisième année (mars 1846) un inspecteur de colonisation, en tournée à Staoueli, constatait des résultats merveilleux. Un groupe de bâtimens, contruits en bons moellons cimentés à chaux et à sable, avec les ouvertures et les angles en pierre de taille, comprenait le monastère proprement dit, une vaste ferme, un moulin à farine, des ateliers pour les industries accessoires, une hôtellerie constamment ouverte aux voyageurs. Déjà 3,000 mûriers, 4,000 arbres fruitiers et 1 hectare de vignes avaient été plantés ; 300 hectares étaient nettoyés, défrichés ou ensemencés, et, sur ce nombre, 45 hectares en céréales et 4 hectares en potagers étaient en plein rapport. Il restait à défricher 200 hectares de bonnes terres : on était incertain sur le parti à tirer des 520 hectares de terres réputées mauvaises. Le compte des animaux donnait 1,097 têtes, dont 60 bêtes bovines et un troupeau de 600 moutons. En un mot, les travaux exécutés procuraient déjà à un sol ingrat une plus-value de 400,000 francs. Le revenu brut, évalué à 25,000 francs, suffisait et au-delà à la consommation de 100 personnes, savoir : 60 religieux, 30 ouvriers auxiliaires à l’année ou à la tâche, plus les visiteurs, évalués en moyenne à 10 par jour, et qui, riches ou pauvres, chrétiens ou musulmans, sont assurés de trouver à Staoueli une hospitalité cordiale et gratuite.

Indépendamment de leur portée morale, ces résultats seraient de nature à réjouir le cœur du spéculateur le plus exigeant ; mais le succès des trappistes est obtenu dans des conditions exceptionnelles, qui ne prouvent pas beaucoup pour l’avenir de la colonie. Une soixantaine de célibataires, instrumens d’une qualité supérieure, intelligens et soumis, sobres et laborieux, opérant avec cette ponctualité que commande

  1. Le nombre s’est augmenté successivement. Aujourd’hui il est de plus de soixante, malgré les extinctions.