Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/526

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui s’est présentée à l’origine de Rome, celle de donner des femmes aux soldats colons. Il suffisait, dans la pensée de l’auteur, d’accorder à ces soldats un congé de trois mois pour qu’ils revinssent avec une jeune épouse, trop heureuse de partager la ration de campagne et les douceurs de la tente bédouine perfectionnée. « Au surplus, ajoutait l’auteur en brave militaire qui ne connaît pas les obstacles, il me semble que les maisons de repentir pourraient fournir des femmes à ceux qui n’en trouveraient pas dans leur pays. Dans les maisons de repentir, il y a des femmes qui ne sont pas dégradées. Souvent une seule erreur les y a conduites. Celles-ci pourraient encore être de très bonnes mères de famille. Les Enfans-Trouvés pourraient aussi leur en fournir. Ainsi, les colonies militaires réussissant, on trouvera là l’écoulement d’une partie des femmes et des enfans qui sont à charge à la société. »

Ce projet n’avait pas la consistance nécessaire pour être pris en considération sérieuse. On y sentait une idée à peine mûrie et jetée au hasard dans le domaine de la discussion. Quant à l’auteur, sa conviction était si complète, qu’à peine élevé au gouvernement général de la colonie, il se hâta de traduire sa théorie en fait. Un village d’essai fut fondé sur le territoire d’Aïn-Fouka, près de Koléah. 75 soldats dont le service venait d’expirer se soumirent volontairement à l’expérience 23 d’entre eux consentirent même à se marier. La communauté végéta deux ans et finit par se dissoudre. Le maréchal essaya de pallier cet échec en déclarant que des soldats affranchis par leur libération du joug de la discipline n’offraient plus assez de prise, qu’au premier mécompte ils se laissaient aller au découragement et demandaient à rentrer dans leurs foyers, que d’ailleurs les libérés ne seraient jamais assez nombreux pour établir la colonisation armée sur des bases assez larges. Suivant ces vues nouvelles, on se hâta de procéder à l’installation de deux nouveaux centres militaires, le village de Beni-Mered, entre Bouffarik et Blidah, et le campement de Maëlma. Ces lieux reçurent des compagnies d’hommes qui étaient encore attachés au drapeau, et qui promettaient de s’établir en Algérie après leur libération définitive. La seconde expérience n’eut pas de résultats décisifs, et on fit rentrer les villages militaires sous la direction civile. Rien n’avait été épargné cependant pour intéresser les légionnaires à leur nouvelle situation. A des hommes voués pour la plupart aux misères du prolétariat, on avait offert le logement, l’habillement et les vivres, les instrumens du travail, les prestations nécessaires pour leurs menus besoins, une prime sous forme de dot à ceux qui consentiraient à prendre femme, et, en perspective, l’espoir de devenir des propriétaires indépendans.

Il est dans la nature des esprits dominés par une idée fixe de s’aveugler sur la signification des faits comme sur la portée des objections. Souvent même la manière dont ils s’expliquent à eux-mêmes l’insuccès