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seront libérés, ils rentreront sous la loi civile : après deux ans passés sous ce nouveau régime, ils seront maîtres de vendre ou d’aliéner leurs propriétés. Même après leur libération, ils seront tenus de fournir dans l’année un certain nombre de journées pour les travaux d’utilité publique, et de se faire incorporer dans une milice locale dont une ordonnance royale réglera le service. Cinq ans après être rentrés sous la loi civile, les colons seront soumis à l’impôt ou à la patente, selon les prévisions du droit commun.

La première objection suscitée par ce système, celle qui a le plus frappé les esprits, est l’énormité de la dépense. Nous déclarons qu’à nos yeux la difficulté n’est pas là. Il y a plus : si, comme il est probable, l’installation des soldats-colons devait correspondre à une diminution dans l’effectif de l’armée, et en supposant que cet abaissement de l’effectif s’arrêtât à une garnison de 20,000 hommes, il y aurait encore économie pour le pays. Nous sommes surpris que l’auteur du projet n’ait pas essayé de le démontrer[1]. Toutefois, à part la question financière, les difficultés de l’exécution sont si nombreuses, les lacunes et l’inconsistance du projet sont si évidentes, que ce système n’aurait certainement pas obtenu les honneurs de la discussion, sans le nom glorieux et retentissant de l’auteur.

  1. Les 100,000 hommes que nous entretenons en Afrique nous coûtent annuellement 100 millions : nous acceptons cette évaluation devenue proverbiale, quoique M. Desjobert élève dans son dernier factum la dépense réelle à plus de 125 millions. C’est, en nombre rond, une dépense de 1,000 francs par homme. Au bout de dix ans, le statu quo occasionnerait à la France un déboursé de 1 milliard. Or, dans l’hypothèse de M. le maréchal Bugeaud, en obtenant chaque année sur les dépenses de l’armée une réduction de 10 millions par la suppression de 10,000 hommes, on ne dépenserait en dix ans que 910 millions. A partir de la huitième année, le budget militaire serait réduit à 55 millions ; mais, trois ans plus tard, les 100,000 colons militaires étant installés définitivement, il n’y aurait plus que 20 millions à payer pour les 20,000 hommes de l’armée active. Preuve :
    ARMES. COLONISATION MILITAIRE. TOTAL DE CHAQUE ANNÉE.
    Dépense réductible chaque année. Dépense fixe pendant dix ans. (Millions.)
    1ère année 100 35 135
    2e 90 35 125
    3e 80 35 115
    4e 70 35 105
    5e 60 35 95
    6e 50 35 85
    7e 40 35 75
    8e 30 35 65
    9e 20 35 55
    10e 20 35 55
    TOTAL 560 350 910


    Bénéfice sur les dix ans, 90 millions - dépense annuelle après les dix ans, 20 millions seulement. — Au prix de 600 millions, la dépense équivaudrait à douze années du régime actuel.