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Catalina ne devait pas mourir ainsi. Sa tête avait à peine touché la terre, que la moribonde se releva brusquement : elle avait entendu les pas d’un cheval. Presque aussitôt deux cavaliers parurent.

Les deux inconnus ne furent pas peu surpris en apercevant à l’improviste, dans ce désert, un jeune homme déguenillé et mourant qui, ne pouvant parler, tendait les mains vers eux pour implorer leur pitié. Ils s’arrêtèrent aussitôt ; l’un souleva Catalina dans ses bras, et l’autre baigna ses tempes avec une liqueur spiritueuse dont il lui fit avaler quelques gouttes ; elle se remit par degrés, et, quand elle eut repris ses sens, ils la placèrent sur un des chevaux et poursuivirent lentement leur route. Ces deux cavaliers étaient, comme Catalina l’apprit plus tard, les domestiques d’une riche señora qui faisait exploiter dans les environs une propriété considérable. On arriva, après une heure de marche, à l’habitation de cette dame. La moribonde renaissait à la vie, l’espoir l’avait ranimée. Elle put faire quelques pas en descendant de cheval et remercier la libératrice que la Providence lui envoyait. On prépara pour le voyageur perdu un excellent lit, et on lui porta, quand il fut réchauffé, un souper succulent dont il avait grand besoin. Sa constitution de fer triompha de cette terrible épreuve. Catalina s’endormit et se réveilla, sinon complètement reposée, du moins bien portante. Un domestique qui guettait son réveil vint lui présenter, de la part de sa maîtresse, un bol de vin chaud, et déposa près du lit un habillement complet de drap bleu presque neuf, que l’on avait emprunté à l’un des gens de la maison, du linge, un chapeau et des chaussures. Un instant après, sur un désir que manifesta Catalina, on apporta dans sa chambre un vaste cuvier rempli d’eau tiède : c’était la baignoire de la maison. Notre aventurière se leva. Quand elle se fut baignée avec délices, quand elle eut peigné ses beaux cheveux noirs, dont elle paraissait en toute occasion fort satisfaite, quand elle eut endossé l’habit bleu qui se trouva juste à sa taille, elle se sentit pleine d’une vigueur nouvelle et fière de sa bonne mine. De leur côté, les habitans de la maison, lorsqu’ils la virent paraître, eurent grand’ peine à reconnaître, sous les traits de ce beau jeune homme, le malheureux qu’on avait recueilli la veille.


IV.

La señora était une métisse, fille d’un Espagnol et d’une Indienne. Elle était veuve, si toutefois elle avait jamais été bien officiellement mariée, et pouvait avoir une cinquantaine d’années. C’était une femme excellente, simple, charitable, suffisamment riche, dont les troupeaux bien gouvernés augmentaient chaque jour de valeur. Elle interrogea