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cousins, bien qu’ils eussent à traverser soixante milles d’une contrée ennemie.

Des traditions scrupuleusement respectées règlent les cérémonies des funérailles, de la naissance et du mariage. Si ces coutumes ne sont placées sous le contrôle d’aucune autorité, elles n’en forment pas moins une sorte d’étiquette dont personne ne voudrait se dispenser. Les vieillards sont les dépositaires des croyances religieuses ; ils composent aussi le gouvernement de chaque tribu. Le système politique, s’il est permis d’appliquer ce mot à des usages mal définies et variables, repose sur la division des membres de la peuplade en trois classes : la première comprend les jeunes gens ; la seconde, les hommes faits, et la troisième, dans laquelle on ne passe qu’après une sévère initiation, renferme les vieillards. La hiérarchie la plus simple, la plus naturelle, celle de l’âge, est la seule hiérarchie admise parmi ces peuples primitifs.

Jusqu’à ces derniers temps, on les croyait étrangers à la pratique du cannibalisme ; mais on en a trouvé récemment, en quelques endroits, des preuves incontestables. Rien ne démontre toutefois que cette féroce habitude soit générale. Si elle avait été universellement répandue, on en aurait sans doute découvert les traces depuis longues années. D’après le récit du capitaine Stokes, les indigènes ne paraissent pas animés d’intentions hostiles envers les Européens. Une ou deux fois seulement, les démonstrations des naturels que le Beagle rencontra prirent un caractère agressif. Le plus souvent, les nègres s’enfuyaient épouvantés. Quand ils se décidaient à s’avancer vers les étrangers, ils venaient sans armes pour prouver leurs desseins pacifiques. Quelquefois une circonstance en apparence insignifiante rompait inopinément les relations commencées, et les sauvages disparaissaient dans les bois en laissant échapper des cris aigus. Il s’en trouva néanmoins d’un peu plus confians. Sur les bords de la rivière Adélaïde, une famille, composée de sept ou huit personnes, après avoir échangé des politesses avec les Anglais, s’approcha de la baleinière du Beagle, qui était attachée au rivage : le chef de la famille annonça l’intention de visiter le Beagle, mouillé à une certaine distance, il mit même le pied dans la baleinière ; mais, saisi d’effroi à la vue des rames, des bancs et de la profondeur du canot, il se retira en frissonnant, comme s’il avait plongé la jambe dans de l’eau glacée. Sa femme et ses enfans le conjurèrent de ne pas s’aventurer avec autant de témérité, et n’eurent pas beaucoup de peine à le retenir. Une autre fois, un indigène se présenta de lui-même aux Anglais sans qu’on l’eût alléché, comme d’habitude, en agitant un mouchoir de couleur ou quelque hochet éclatant, et sans témoigner la moindre crainte. Il indiqua d’un geste aux étrangers le sentier le plus commode pour redescendre sur le rivage, et se conduisit avec eux comme une vieille connaissance. Quand la baleinière partit, il remonta la falaise, marchant