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son banquier. Aux États-Unis, c’est de même ; les citoyens n’ont d’argent chez eux que comme monnaie de poche ; encore, à cause des coupures excessivement faibles des billets de banque (je me souviens d’en avoir vu à Charleston de douze cents et demi ou 66 centimes), le mot d’argent doit-il ici ne pas être pris à la lettre. Ainsi, dans les pays qu’occupe la race anglo-saxonne sur l’un et l’autre continent, le numéraire qui n’est pas actuellement employé à effectuer un paiement est presque en entier remis aux institutions de crédit qui le font valoir pour le bien général.

De ce côté donc, nous avons sur les peuples d’origine anglo-saxonne un désavantage trop incontestable. Une valeur de plus d’un milliard probablement est retenue chez nous, sans nécessité, à l’état improductif, et notre numéraire pourrait être diminué d’autant si nous contractions d’autres habitudes, sans que la production de la richesse en éprouvât la moindre atteinte. Il y a ainsi un capital de plus d’un milliard qui est frappé de stérilité et que nous pourrions ajouter aux forces vives du pays. Ce n’est pas seulement à cause de l’usage où nous sommes d’avoir chacun une caisse à domicile, c’est aussi bien par l’effet d’un malheureux penchant à thésauriser l’or et l’argent qui nous a été légué par des temps où la défiance extrême n’était que de la prudence. Combien n’y a-t-il pas encore de personnes en France, même à Paris, qui ne croient de richesse sûre que les écus qu’elles ont sous leurs mains, celui-ci dans une cachette, comme le mystérieux don Bernard de Castil-Blazo, dont Gilblas fut un moment le valet de chambre, celui-là enfouis sous terre dans sa cave, d’autres dans leurs paillasses ! Les caisses d’épargne, à Paris au moins, ont commencé de faire reparaître au jour beaucoup de ces petits trésors accumulés par de pauvres gens, mais la caisse d’épargne n’est pas à l’usage de tout le monde. Lorsque l’éducation publique sur ce point sera un peu mieux faite, on verra se diriger vers la Banque des valeurs considérables.

Aujourd’hui, quel motif a-t-on pour livrer ses écus à la Banque, autre que la crainte d’être volé, lorsqu’on n’est pas un commerçant en compte ouvert avec beaucoup de monde ? Aucun assurément, puisque la Banque ne sert aucun intérêt des dépôts qu’on lui confie. On préfère acheter des bons du trésor, qui rapportent 2 et demi à 3 pour 100, lorsqu’on en rencontre d’une échéance convenable. Quelques personnes prennent des billets de la caisse Gouin ou de la caisse Ganneron qui produisent un intérêt. C’est lorsqu’on ne trouve rien de mieux qu’on s’adresse à la Banque de France, comme à un pis-aller.

On acquiert l’idée du peu de temps pour lequel chacun met de l’argent à la Banque, sous le régime actuel, en évaluant l’espace moyen qui sépare, pour chaque franc déposé, un transfert du suivant. Pour cela, il suffit de comparer la somme qui représente le mouvement général des viremens opérés du compte de l’un au compte de l’autre, à la