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est interdit de puiser aux sources du crédit elles-mêmes ? Dans cette matière comme dans presque toutes les autres, pour être en mesure de beaucoup donner, il faut soi-même beaucoup recevoir.

Aujourd’hui la Banque, pour se procurer des moyens d’action, fait jouer des ressorts assez peu énergiques : c’est la commodité que présentent les billets en comparaison d’une monnaie lourde, malaisée à manier et longue à compter ; c’est le compte-courant, qui simplifie les règlemens ; c’est la crainte du vol, qui de moins en moins devra être prise en considération. Elle y ajouterait désormais un puissant mobile, le besoin qu’éprouve une masse de capitaux, toujours croissante dans un centre commercial tel que Paris, d’avoir un placement provisoire parfaitement solide.

Je me suis arrêté un peu longuement sur la circulation, parce que c’est là qu’il faut chercher le fort et le faible des banques ; mais en somme les avantages de ce pouvoir donné aux banques sont grands, sont immenses. Les inconvéniens qu’il peut offrir, et que je ne conteste pas, ne sont pas tellement dans l’essence des choses, qu’il ne soit possible de les éviter. La controverse s’est vivement exercée sur ce sujet. On a été jusqu’à prétendre, en Amérique particulièrement, qu’en soi l’émission des billets de banque était un mal. Ce n’est pas seulement la multitude qui, dans ses processions au travers des grandes villes, mêlait ses hourras pour Jackson au cri de : No rag money (à bas la monnaie de chiffon) ! Quelques années plus tard, un des hommes les plus éminens dont s’honore la civilisation du Nouveau-Monde, M. Gallatin, en était venu à douter de la convenance de la circulation des billets de banque. Il est vrai que l’Amérique du Nord est le pays où l’on en a abusé le plus ; l’abus a été jusqu’au scandale et a eu des conséquences déplorables. A l’époque où M. Gallatin exprimait son doute, ce citoyen illustre était ébranlé dans ses convictions économiques par le spectacle de ruine dont il était entouré et par la clameur dont retentissait la confédération. La crise de 1837 venait de sévir sur la surface entière des États-Unis pareille à un ouragan, et on en rendait les banques responsables. L’origine de la crise n’était cependant pas dans l’émission des billets de banque. Le pays tout entier s’était mis à spéculer avec emportement, avec rage. Le jeu, qui est essentiellement stérile, avait pris la place du travail, qui seul a la puissance de créer la richesse. On s’était rué sur les terrains de ville, comme s’il eût dû y avoir dans le pays, le lendemain, trois ou quatre Londres, autant de Paris, et une vingtaine de Liverpool et de Manchester, de Marseille et de Lyon ; sur les chemins de fer, comme si, d’une grande ville à l’autre, une seule ligne devait être insuffisante pour les flots de -voyageurs et les avalanches de marchandises, et qu’il en fallût trois ou quatre ; sur les projets de banques, comme si le pays, au lieu d’en avoir déjà dix fois trop, en eût réclamé le double ; sur les