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la Banque au trésor sont montées à près de 5 milliards (exactement 4,910,957,000 fr.)[1]. La banque d’Angleterre a rendu des services analogues, et plus exagérés encore, eu égard à ses ressources, qui cependant sont plus vastes. La crise de 1797, à la suite de laquelle le paiement des billets en espèces fut suspendu jusqu’en 1823, fut amenée par différentes causes, au nombre desquelles il faut citer, au premier rang, l’excès des prêts que la banque avait consentis en faveur de l’Échiquier épuisé. A la fin des guerres de l’empire, en 1814, les avances de la banque au gouvernement montèrent à plus de 30 millions sterling (750 millions de francs). En 1820, elles furent encore de 22 millions sterling (550 millions de notre monnaie) ; il est vrai que de là il faudrait déduire les fonds de l’état que la banque avait en compte-courant.

Sans ruiner les banques, sans les détourner de leur mission commerciale, comme ont pu le faire des gouvernemens en proie aux fureurs d’une guerre acharnée et ne sachant plus où trouver des ressources, l’état, dans les pays libres, peut faire mouvoir à son profit les rouages des banques et demander plus ou moins régulièrement à ces institutions un concours financier. Dans les pays libres soumis à une légalité stricte qui offre aux citoyens et aux associations un refuge contre les excès de pouvoir, cette pratique n’a rien que de légitime.

L’idée d’une séparation absolue entre l’état et la banque, quand il s’agit d’institutions posées comme la Banque de France ou celle d’Angleterre, devient une idée fausse et dangereuse, toutes les fois surtout qu’on prétend l’appliquer aux faits qui touchent à la circulation, et aux momens où la circulation éprouve quelque dérangement. Autant à peu près vaudrait dire que les tribunaux et le ministère de la justice sont des institutions indépendantes l’une de l’autre ou que le ministre des travaux publics doit laisser les ingénieurs des ponts-et-chaussées aux inspirations de leur liberté.

On a été généralement étonné du langage de M. le ministre des finances à l’occasion de la Banque dans l’exposé des motifs du budget, et ce qui fait qu’on se l’explique moins, c’est qu’on apprécie généralement la bienveillance de M. Lacave-Laplagne. Ses doctrines ont paru médiocrement exactes, et, fussent-elles justes, on a trouvé que le moment était mal choisi pour les proclamer : non que la conjoncture soit telle qu’un ministre des finances, parlant au nom du gouvernement, doive se croire fondé à l’appeler une situation difficile de la Banque, mais la Banque avait momentanément besoin d’appui, au nom de l’intérêt public, et des témoignages de sympathie eussent été beaucoup mieux à leur place, dans la bouche d’un ministre du roi, que le rappel comminatoire du droit rigoureux de l’état. Assurément le trésor a le droit absolu

  1. Rapport de janvier 1844, page 39.