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producteur, au lieu d’être à bas prix, afin que le consommateur, qui est tout le monde et qui personnifie l’intérêt général, ait à bon marché la vie et les matières premières, du travail. Je m’attends chaque matin à trouver dans le journal la nouvelle que l’Académie des Sciences a entendu la lecture d’un mémoire de géométrie où l’on démontre clair comme le jour que la partie est plus grande que le tout. Lorsque règne une épidémie, chacun peut en être atteint, s’il n’est bien sur ses gardes, et il convient de donner l’éveil surtout aux institutions dont dépend la prospérité publique. En considération des circonstances, la Banque me pardonnera la liberté que je prends de lui rappeler ce que certainement elle n’oublie point ; que l’intérêt de ses actionnaires n’est pas sa première loi ; qu’il est bien, qu’il est moral, que les actionnaires aient, comme cette année, 159 francs de dividende pour 1,000 francs qu’ils ont versés, mais qu’il est mieux encore et plus moral que la machine du crédit fonctionne avec un nouveau degré d’activité et de vigueur, quand les populations souffrent. C’est la grande morale, celle-là ; l’autre morale, celle qui intronise les intérêts privés, restera, malgré la vogue qu’elle paraît avoir, éternellement mesquine et misérable. La grande, l’unique morale n’approuve pas la hausse que la Banque a fait éprouver à l’escompte. En supposant que, pour le maintenir à 4, la Banque eût dû faire des sacrifices, il n’y avait pas à reculer. Admettons que le privilège conféré à la Banque ne lui procure pas tous les ans bien régulièrement le revenu de trois fois et demi son capital, et qu’une année sur dix il faille se rabattre à un profit plus modeste, la part qui lui restera sera assez belle encore.

Jusqu’ici nous n’avons parlé que de la hausse du taux d’escompte, sans mentionner une autre mesure adoptée par la Banque parallèlement, l’achat de matières d’argent en Angleterre pour faire monnayer à Paris 25 millions. C’est que celle-ci a beaucoup moins d’importance. Il paraît que ces 25 millions en écus reviendront fort cher, quoique la banque d’Angleterre, qui a fourni les lingots par l’intermédiaire de quelques maisons de Londres, s’y soit prêtée avec beaucoup de courtoisie ; mais cela ne regarde que la Banque ; ce sont ses affaires de ménage. Que la Banque ait dépensé en cette circonstance quelques centaines de mille francs de trop, elle n’en reste pas moins une institution très puissante, très riche, conduite prudemment, digne de la confiance du pays. Son discernement ordinaire lui aura fait défaut en cette opération ; c’est comme le sommeil d’Homère. Au milieu de la nation qui passe pour la mieux pourvue en numéraire qu’il y ait dans l’univers, et dont on s’accorde à évaluer la monnaie d’argent à 2 milliards et demi ou 3 milliards, le procédé qu’a choisi la Banque pour se procurer 25 millions est trop primitif. C’est l’enfance de l’art. Quoi ! la Banque de France, cette institution si opulente, si respectée, placée au cœur