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mois de juillet dernier, la France a demandé avec insistance à continuer la même politique, et ce n’est qu’après un silence de quarante jours, et sur la divulgation d’une action isolée exercée à Madrid, qu’elle s’est crue libre d’agir seule et d’aviser.

La conduite du ministère dans cette occasion décisive a reçu l’approbation de l’opposition presque tout entière, comme elle avait obtenu celle de l’opinion publique. Le principe du mariage d’Isabelle Il avec un descendant de Philippe V a été universellement admis, et le mariage de l’infante avec un prince français a seul été attaqué par l’honorable président du ministère du 1er mars, comme ne compensant par aucun avantage constaté les périls qu’il pourrait susciter un jour. On voit donc que, dès l’ouverture de la discussion, le terrain en a été singulièrement rétréci. Encore faut-il rappeler que ni M. de Montalembert, ni M. le duc de Noailles à la chambre des pairs, ni M. Billault, ni M. Berryer à la chambre des députés, n’ont établi de distinction entre les deux parties de la négociation ; aussi nettement que M. le duc de Broglie lui-même, ils ont couvert les deux mariages de la même approbation, dominés par cette pensée que, la succession d’Espagne pouvant sortir par deux portes de la maison de Bourbon, il importait que la France fût maîtresse de l’une comme de l’autre.

On a quelque peine à s’expliquer comment un esprit aussi élevé que celui de M. Thiers n’a pas admis l’association intime des deux questions, et comment, après avoir reconnu la nécessité politique d’unir la reine à un descendant de Philippe V, le chef du centre gauche eût voulu voir adopter une conduite qui livrait la main de l’héritière du trône aux poursuites de prétendans étrangers. Pour échapper à cette difficulté, M. Thiers a insinué qu’il y aurait eu avantage à provoquer le mariage des deux royales sœurs avec leurs deux cousins, combinaison qui assurait à l’Angleterre une demi-satisfaction, puisque dans cette hypothèse don Henri, son candidat, en admettant que le prince de Cobourg ne méritât pas mieux ce titre, aurait eu la certitude de partager le trône ou de s’asseoir sur le premier degré. J’ai éprouvé, je le confesse, quelque étonnement en voyant l’illustre orateur faire si complètement abstraction des sentimens trop connus de la reine-mère, dont il avait cru pouvoir, dans la session précédente révéler au public les antipathies et les haines. Je n’ai pu comprendre qu’un esprit aussi pratique ne tînt pas compte, d’une part, des répugnances fort légitimes qu’éprouvaient les deux reines pour un jeune prince qui s’était fait chef de parti, et, de l’autre, du besoin que ressentait le gouvernement espagnol de consolider l’état de choses établi dans la Péninsule par l’appui d’un mariage étranger. L’union de la reine avec l’un des fils de don François de Paule enlevait toute espérance aux nombreux partisans de la branche exclue du trône ; pour qu’une telle combinaison’ ne devînt pas périlleuse, il fallait donc