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qu’elle fût contrebalancée par le concours instantané et par le patronage public d’une grande puissance. L’Espagne avait un intérêt capital à vouloir que la France ou l’Angleterre donnât un prince à sa maison royale : ceci a décidé en même temps et l’association des deux mariages et leur simultanéité. Aussi l’appréciation de cette négociation, indivisible dans toutes ses parties quant au fond des choses aussi bien que quant au terme de leur accomplissement, se réduit-elle à ceci : le double mariage, avec ses difficultés éventuelles dans l’avenir, vaut-il mieux pour la France que le mariage du prince de Saxe-Cobourg avec ses périls certains dans le présent ? La question ainsi posée est résolue, car qu’aurait dit l’opposition, si, au lieu d’annoncer à la France à l’ouverture de la session la double union royale consacrée à Madrid, la couronne s’était trouvée dans la nécessité de lui apprendre le mariage des deux filles de Ferdinand VII avec le chef du parti anglais et avec le cousin du prince Albert ?

Peu de questions ont trouvé l’opinion nationale plus décidée et se réfléchissant au sein des chambres avec plus de chaleur. Si M. Guizot n’avait eu à parler que pour ses compatriotes, il n’y avait guère de débat à engager, car le seul souvenir du 15 juillet 1840 l’aurait dispensé de traiter à fond la question des procédés ; mais, indépendamment de l’importance politique de la négociation qu’il fallait constater devant la France, il avait la loyauté de sa propre conduite à défendre devant l’Europe. On sait comment cette double tache a été accomplie. À l’éclatante lumière qui s’est faite, les actes de chacun seront jugés, et l’Angleterre ne verra qu’un échec grave sans doute, mais amené par une politique différente de celle qui avait prévalu jusqu’alors, dans une affaire où un ministre, compromis par sa propre faute, voudrait associer son pays à ses déceptions personnelles et à ses colères. Déjà séparés dans les affaires de la Péninsule par le concours que nos voisins prêtent aux progressistes et que nous accordons aux modérés, nous le serons en outre par un point de droit constitutionnel que la France entend comme l’Espagne, et qu’il appartient à celle-ci de résoudre souverainement. C’est un embarras de plus entre deux gouvernemens qui en ont déjà d’autres, mais ce n’est point une cause de guerre. Cette extrémité suprême dût-elle sortir un jour de la question, il faudrait l’accepter sans hésiter ; car il s’agirait, ce jour-là, de défendre l’indépendance de la péninsule, l’inviolabilité de la loi de succession émanée de ses cortès, et de ne pas subir la ridicule interprétation d’un traité à laquelle a résisté le bon sens de toutes les chancelleries, malgré leurs dispositions peu bienveillantes.

En résumé, si la question ne disparaît pas par la naissance d’héritiers directs de la reine Isabelle, elle restera sans doute un grand embarras entre la France et l’Angleterre ; mais elle vaut pour nous toutes les