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au cabinet britannique, et que celui-ci a dès-lors, dans ses rapports avec nous, une liberté qui nous manque dans nos rapports avec lui.

Ces difficultés ont leurs racines dans un passé beaucoup plus vivant en Europe qu’il n’est en France, et dont tous nos efforts devront consister à effacer le déplorable souvenir. Elles sont grandes sans doute, mais elles sont loin d’être insurmontables. Les connaître et les confesser hautement, c’est le plus sûr moyen d’en triompher. En comprenant bien la nature des obstacles qui la séparent de l’Europe, la France acceptera sans appréhension un isolement qui n’est pas le résultat d’une théorie, mais l’expression d’un fait trop manifeste : elle s’efforcera de le faire cesser en temps utile sans s’alarmer outre mesure d’une situation dont elle ne porte point la responsabilité aux yeux du monde ; elle n’adressera pas aux trois grandes cours continentales des avances qui demeureraient vaines, et, tout en s’efforçant de rétablir de bons rapports avec l’Angleterre, elle n’aspirera point à une intimité sujette à d’aussi brusques reviremens. La situation des deux peuples en deviendra plus vraie, et la paix du monde n’en sera pas peut-être plus compromise.

Mais faudra-t-il donc que, dans l’isolement temporaire qui lui est fait par un fatal concours de circonstances, la France renonce à toute action en dehors de ses frontières, et, faute de pouvoir afficher l’alliance anglaise on l’alliance russe, sera-t-elle condamnée à abdiquer toute influence dans les affaires du monde ? Ce serait peu comprendre l’état vrai des esprits et le besoin que ressentent les peuples de rompre le cercle tracé autour d’eux depuis 1815 par les grandes cours qui, en exploitant les méfiances contre la révolution et surtout contre la France, ont fini par confisquer toutes les libertés de l’Europe.

Cinq puissances, dont quatre réunies par une pensée commune, ont assumé, depuis le congrès d’Aix-la-Chapelle, la dictature politique du monde. En 1831, la conférence de Londres a modifié les traités de Vienne dans plusieurs de leurs principales dispositions, sans qu’une seule observation s’élevât de la part des huit signataires de ces traités, et la France a consenti, dans un esprit de modération et de paix, à prêter son concours à un système qui n’a pour base que la haine qu’elle inspire. Les souverainetés secondaires ont cessé de compter en Europe par la faiblesse des uns et l’imprévoyance des autres : on a vu disparaître en quelque sorte de la carte politique la Suède et le Danemark dans le Nord, l’Espagne et le Portugal au Midi ; l’Autriche a régné aussi souverainement en Italie que si la Sardaigne et les Deux-Siciles avaient appartenu à des archiducs, comme Modène et Parme ; et, au sein de cette vieille Allemagne, si agitée depuis la réforme, naguère si jalouse de son indépendance, on a vu les plus nobles peuples de la souche germanique, les Saxons et les Bavarois, abdiquer sans résistance devant