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et de violences la déclaration de la première de nos assemblées délibérantes, que « la France, plus jalouse d’influer sur les peuples par ses idées que par ses armes, ferait la guerre pour défendre son indépendance et jamais pour attaquer celle des autres. » Lorsque cette pensée proclamée à la tribune et répandue par la presse sera devenue un lieu commun, lorsqu’elle sera acceptée en France par toutes les consciences, en Europe par toutes les convictions, alors l’isolement de la France aura cessé, et l’heure des grands changemens sera près de sonner pour le monde.

Cette politique de patronage au profit des états du second ordre peut donner lieu dès à présent à des applications nombreuses. Si en Allemagne il est nécessaire d’y préparer l’opinion, et si le travail de la France doit y conserver encore un caractère plus théorique que pratique, il n’en est point ainsi en Italie, où l’impulsion nationale est déjà vivement imprimée, et où notre concours peut devenir nécessaire d’un jour à l’autre. Le gouvernement sarde, qui, plus que tous les autres gouvernemens secondaires, a conservé le sentiment de sa dignité et de son indépendance, est chaque jour froissé, malgré sa prudente réserve, par le mauvais vouloir d’un grand cabinet. Ce mauvais vouloir devient de la haine contre l’auguste chef de la chrétienté, qui, placé entre le double péril d’une révolution imminente et d’un protectorat plus redoutable encore, poursuit avec persévérance son œuvre de redressement et de salut. Un spectacle qu’elle n’avait pas vu depuis bien des siècles est donné à l’Italie : un pape guelfe est assis dans la chaire d’Innocent III, et toutes les populations italiques portent ses couleurs et répètent son nom. Il est difficile qu’un aussi grand ébranlement donné à un peuple n’amène pas des conséquences imprévues, et l’attitude de la France doit se dessiner dès aujourd’hui d’une manière nette et décidée en face de ces éventualités. L’état alarmant de la Suisse lui impose plus impérieusement encore une politique arrêtée, et l’on doit s’étonner que, dans le cours de la longue discussion à laquelle la France vient d’assister, l’opposition n’ait pas provoqué de la part de M. le ministre des affaires étrangères, pour protéger le territoire de la confédération, une déclaration analogue à celle de M. le comte Molé, qui, après 1830, fit respecter par la Prusse en armes le sol de la Belgique. Il faut qu’on sache bien que toute intervention militaire en Suisse provoquerait au même instant l’intervention de la France.

Lorsqu’un rôle si efficace lui est préparé, quel si grand intérêt aurait donc la France à reprendre le système d’agrandissement territorial qui, après l’avoir conduite à Rome et à Hambourg, a eu pour dernier résultat de faire camper les Cosaques dans la cour du Louvre ? Quel motif si puissant pourrait l’amener à cette monstrueuse contradiction de confisquer la nationalité belge et d’attenter, dans les provinces rhénanes,