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Des hauteurs qui dominent les Martigues, le regard se perd parmi ces champs de désolation sur lesquels reposent tant d’espérances. Le naturaliste devrait précéder l’ingénieur et l’homme d’état dans l’étude de la partie la plus triste de ce vaste horizon : l’Institut et l’administration du Jardin des Plantes envoient chaque année leurs voyageurs aux extrémités du globe ; ils explorent l’Inde et la Polynésie, le Spitzberg et les terres australes, et nous avons en France même une contrée où le sol, les eaux, l’air lui-même, diffèrent de ce qu’ils sont partout ailleurs, sans qu’on daigne y porter ses pas ou y jeter un regard ! Les conséquences utiles à tirer des observations qui naîtraient en foule dans une pareille contrée n’en affaiblissent point l’intérêt scientifique, et l’on ne saurait réclamer trop haut contre un oubli si peu mérité.

La mer de Berre est encadrée au nord, à l’est et au sud, entre de riantes campagnes et des collines tapissées de vignes, d’oliviers et d’arbres fruitiers. Ce bassin communique avec Marseille par de raides et longues rampes qui franchissent les crêtes arides de l’Estaque. Le chemin de fer exemptera bientôt la circulation de ces retards et de ces difficultés ; il passera par-dessous les montagnes, et l’on arrivera, sans monter ni descendre sensiblement, jusque dans les murs de Marseille. Les voyageurs y perdront la magnifique vue du golfe et de la ville, et elle est assez belle pour être regrettée.

La population de Marseille a éprouvé, depuis moins d’un siècle, de nombreuses variations. La ville comptait :


En 1770 90,056 habitans.
En 1790 106,585
En 1801 102,219
En 1811 96,271

La décadence était l’effet de la guerre, le progrès a été celui de la paix. Du recensement de 1811 à celui de 1841, la population s’est accrue de 50,920 habitans. Dans les cinq années qui se sont écoulées depuis, l’accroissement a été bien plus rapide encore, et le dénombrement de la fin de 1846 a constaté une agglomération de 183,186 ames[1]. Le Marseille d’aujourd’hui, encore éloigné du terme de la progression dans laquelle il marche, est le double de celui de l’empire. Cet accroissement s’opère surtout par des immigrations, dont quelques-unes sont lointaines. La prospérité, les privilèges mêmes de Marseille sont, à ce titre, un patrimoine de toute la France, j’ai presque dit de tout le bassin de la Méditerranée. Les mœurs, les idées, le langage des nouveaux citoyens qui viennent profiter des avantages de cette position, modifient tous les jours l’ancien caractère de la cité : la vieille couleur locale

  1. Population fixe : 167,872 ames.
    Collèges, hospices, prisons, inscription maritime, garnison : 15,314