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nationaux. La maison de Savoie a été contrainte, par les jalousies et les préjugés des nouveaux sujets que lui ont donnés les traités de 1814, de frapper de droits de douane, à l’entrée de ses états continentaux, les produits de l’île de Sardaigne : on a invoqué à l’appui de la nécessité d’un tarif protecteur la similitude des denrées fournies par l’île et de celles dont abonde la côte de Ligurie, comme si cette similitude n’imposait pas elle-même une limite à l’importation. La population sarde paraît avoir quelquefois comparé avec un sentiment pénible ce traitement peu fraternel et peu motivé à celui que la France fait à la Corse. D’un autre côté, entre elle et la France, il y a parfaite réciprocité de ressources et de besoins : la Provence est un marché toujours ouvert pour les grains, les huiles, les fruits, les bestiaux de la Sardaigne, et la Sardaigne y trouve, à de meilleures conditions qu’en Italie, les objets manufacturés qui lui manquent. Ce concours des torts de la législation et de la pente des intérêts commerciaux autorisait à craindre que la multiplicité des relations n’établît entre la Sardaigne et la France des liens un peu plus étroits qu’il ne convient à la politique de la maison de Savoie. Cette appréhension a, dit-on, été écartée à Turin avec une généreuse confiance, et, si notre diplomatie avait mis à profit ces loyales dispositions, la Sardaigne aurait depuis quatre ans, dans les avantages de ses rapports avec la France, un motif de plus d’être attachée à son gouvernement et reconnaissante envers lui.

La Sardaigne a l’étendue de trois de nos départemens ; sa population, qui s’accroît avec une merveilleuse rapidité, était, au recensement de 1841, de 524,633 habitans ; elle est à trois jours de navigation de Marseille, et à peine échangeons-nous avec elle le chargement de quelques navires ! Cette situation peut évidemment s’améliorer. De la régularité des communications à l’extension des échanges, la distance n’est pas grande, et il appartiendrait à la chambre de commerce de Marseille de demander l’une pour arriver à l’autre.

Nos relations avec le Levant constituent un objet d’une plus haute importance. Par l’effet des événemens qui se sont succédé depuis soixante ans, notre position politique et notre position commerciale n’y sont pas, à beaucoup près, aussi élevées qu’à d’autres époques ; elles réagissent assez fortement l’une sur l’autre pour que rien de ce qui peut fortifier dans ces contrées le commerce de Marseille ne soit sans influence sur des intérêts d’un ordre plus élevé. C’est sur cette considération qu’a été fondée la loi du 2 juillet 1835, par laquelle a été établi le service des paquebots du Levant. Ils portent des voyageurs et des correspondances, et, sauf un petit nombre d’objets de prix, ils ne reçoivent point de marchandises ; on croyait favoriser la marine marchande en lui laissant le fret de tout ce que refusaient les paquebots de l’état. Malheureusement, si les voyageurs et les marchandises réunis