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donnaient les bases d’une excellente affaire, séparés ils ne pouvaient fournir que deux affaires détestables. L’exploitation au compte de l’état lui a fait éprouver depuis dix ans une perte d’au moins 36 millions, et le commerce, ne trouvant pas une rémunération suffisante dans le transport des marchandises par bateaux à vapeur, l’a long-temps délaissé. Cependant des habitudes se sont formées, mais au profit du Lloyd de Trieste, et la fausseté des combinaisons de l’administration française a eu pour résultat de renvoyer à la marine autrichienne ce qui revenait naturellement à la nôtre. Les choses en sont encore là, et les résultats financiers de l’entreprise en donnent la mesure sous d’autres rapports[1]. Il est temps de faire pour le Levant ce que le ministère de la guerre fait avec un plein succès pour ses relations avec l’Afrique[2], c’est-à-dire un traité avec le commerce. Les offres ne manqueront pas ; les dépenses du trésor seront réduites d’au moins cinq sixièmes ; au lieu d’un mauvais service, on en aura un bon, et notre commerce rentrera en possession d’avantages dont il n’aurait jamais dû être dépouillé. Il est probable que ce système, dans lequel les véritables intérêts nationaux sauraient se faire entendre, conduirait bientôt à abandonner, si ce n’est pour les paquebots d’Alexandrie, l’échelle de Malte pour celle de Messine : on obtiendrait ainsi une notable abréviation de parcours, et l’on rattacherait à nos lignes cette belle Sicile qui en est exclue.

Nous devons enfin nous souvenir que, dans les siècles passés, le commerce avec l’Algérie a été aussi profitable à la France que lucratif pour la place de Marseille. Il n’a pas aujourd’hui ce double caractère, mais il peut le reprendre dans l’avenir. L’Algérie est pour le moment un pays où nous soldons cent mille consommateurs, où nous expédions chaque année 100 millions d’argent ; les marchandises suivent, et le partage du numéraire qui s’en va commence à s’opérer, dans l’entrepôt même de Marseille, entre les étrangers et nous. Il s’est trouvé à Paris

  1. D’après les comptes de 1845, les paquebots du Levant et de Corse réunis (les dépenses étant confondues, il n’est pas possible de les distinguer) ont coûté pendant cet exercice : 4,364,110 francs. Ils ont rendu : Ceux du Levant : 941,508 francs. Ceux de Corse : 87,720 ; pour un total de 1,029,228 francs. Dans cette perte de 3,334,882 francs n’est pas comprise la dépréciation d’un matériel naval reconnu impropre à la guerre, et pour l’acquisition duquel il a été alloué, par les lois des 2 juillet 1835 et 14 juin 1841, une somme de 13,377,660 francs.
  2. Ce marché, en date du 25 mai 1843, est celui de la compagnie Bazin. Pour 84,000 fr. par an, elle fait tous les dix jours un voyage de Marseille à Alger et retour ; elle porte la correspondance et met gratuitement à la disposition du ministre de la guerre, pour 61,520 francs de places de voyageurs. Les paquebots de la compagnie Bazin sont beaucoup plus rapides que ceux de l’état.