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gothique ? est différente de cette autre question, beaucoup plus restreinte, et que seule j’examine en ce moment : L’ogive a-t-elle existé dans l’architecture musulmane avant de se montrer dans l’architecture chrétienne ? Or, c’est à cette dernière question que le bâtiment du Mekyas fournit, une incontestable réponse. En effet, on y trouve l’ogive et on y lit une inscription arabe du IXe siècle, époque où fut reconstruit le Mekyas, et tout le monde sait qu’en Europe l’architecture ogivale ne se montre pas avant le XIIe. Je reviendrai sur ce problème important à l’occasion des mosquées.

La fondation du vieux Caire remonte au temps de la conquête musulmane. Selon la légende arabe, tandis qu’Amrou assiégeait une forteresse nommée Babylone, que les Romains avaient construite pour commander le fleuve presque en face de Memphis, une colombe ayant fait son nid sur la tente du lieutenant d’Omar, celui-ci ordonna qu’on ne levât point la tente pour ne pas troubler l’innocente couvée : compassion gracieuse qui peut étonner chez un homme de ruse et de sang comme Amrou, mais qui est dans le caractère musulman. Ne raconte-t-on pas de Mahomet qu’une chatte ayant déposé ses petits sur le pan de la robe du prophète, il en coupa un lambeau plutôt que de déranger la pauvre mère de famille ? Il étendit si loin ses ménagemens pour les animaux, qu’il prescrivit aux musulmans de ne tuer les scorpions et les serpens qu’après les avoir priés de laisser en paix les fidèles et sur leur refus d’y consentir. Quoi qu’il en soit, l’incident de la tente d’Amrou fit donner à la ville nouvelle, qui s’éleva au pied de la forteresse romaine le nom de Fostat (la Tente), qu’elle portait au moyen-âge. On la nommait aussi et on la nomme encore Misr, qui rappelle Misraim, appellation biblique de l’Égypte. Caire vient de Cahira, nom de la planète de Mars, sous l’influence de laquelle Moez voulut que la nouvelle ville fût fondée.

Le Caire fut bâti à la fin du Xe siècle par le gendre de Moez, calife fatimite. La dynastie des Fatimites, qui se proclamaient les légitimes successeurs du prophète, et par laquelle Abd-el-Kader prétend descendre de lui, régnait sur l’Afrique septentrionale et la Sicile. Telle avait été sa part dans le démembrement du califat, dont le centre nominal était toujours à Bagdad. Il se passa alors en Orient quelque chose de semblable à ce qui advint de l’empire franc sous les faibles successeurs de Charlemagne. Le Caire est donc né de la rébellion d’un des grands vassaux de l’islamisme. Fidèle à son origine et à une destinée que lui faisait la nature des choses, il a été à toutes les époques le siège d’une autorité plus ou moins indépendante des califes de Bagdad et des sultans de Constantinople.

C’est sous la dynastie des Fatimites que s’organisa la secte des ismaéliens à laquelle appartenait ce vieux de la Montagne si fameux au