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L’inclinaison de la pente sur laquelle le glacier descend ne paraît pas avoir d’influence sur la rapidité de sa marche, mais elle est singulièrement modifiée par les parois du couloir dans lequel il se meut. Le frottement de la glace contre ces parois ralentit considérablement la progression des parties latérales du glacier. Il y a plus : si un promontoire s’avance vers le milieu de la vallée, le glacier, arrêté par un de ses côtés, contourne l’obstacle avec une extrême lenteur, ou plutôt ce côté reste en arrière, tandis que la partie moyenne et le bord opposé continuent à marcher avec leur vitesse relative.


II. – ROCHES POLIES ET STRIEES PAR LES GLACIERS ACTUELS

Le frottement que le glacier exerce sur son fond et sur ses parois est trop considérable pour ne pas laisser de traces sur les roches avec lesquelles il se trouve en contact ; mais son action est différente suivant la nature minéralogique de ces roches et la configuration du lit qu’il occupe. Si l’on pénètre entre le sol et la surface inférieure du glacier, en profitant des cavernes de glace qui s’ouvrent quelquefois sur ses bords ou à son extrémité, on rampe sur une couche de cailloux et de sable fin imprégnés d’eau. Si l’on enlève cette couche, on reconnaît que la roche sous-jacente est nivelée, polie, usée par le frottement et recouverte de stries rectilignes ressemblant tantôt à de petits sillons, plus souvent à des rayures parfaitement droites qui auraient été gravées à l’aide d’un burin ou même d’une aiguille très fine. Le mécanisme par lequel ces stries ont été gravées est celui que l’industrie emploie pour polir les pierres ou les métaux. A l’aide d’une poudre fine appelée émeri, on frotte la surface métallique et on lui donne un éclat qui provient de la réflexion de la lumière par une infinité de petites stries extrêmement ténues. La couche de cailloux et de boue interposée entre le glacier et le roc sub-jacent, voilà l’émeri. Le roc est la surface métallique, et la masse du glacier, qui presse et déplace la couche de boue en descendant continuellement vers la plaine, représente l’action de la main du polisseur. Aussi les stries dont nous parlons sont-elles toujours dirigées dans le sens de la marche du glacier ; mais, comme celui-ci est sujet à de petites déviations latérales, les stries se croisent quelquefois en formant entre elles des angles très petits. Si l’on examine les roches qui bordent le glacier, on retrouve les mènes stries burinées sur les parties qui ont été en contact avec la masse congelée. Souvent j’ai pris plaisir à briser la glace qui pressait le rocher, et sous cette glace je