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nant les agrandissemens territoriaux qu’ils ambitionnent ; mais, à peine débarqué pour faire sa révolution, Santa-Anna comprit vite qu’au milieu de l’irritation générale des esprits, il était impossible à quiconque parlerait de paix de se maintenir en possession du gouvernement. L’Herald de New-York avait publié la convention ; le général répondit dans le Repuhlicano que c’était une ruse inventée par les Yankee pour le décrier, et il se hâta d’aller à Potosi prendre le commandement des troupes. C’est là que le retient toujours le conflit prolongé des partis qui déchirent Mexico, et la situation que lui créent à présent les intrigues de l’intérieur l’obligent à montrer vis-à-vis de l’étranger des intentions plus belliqueuses qu’il ne lui conviendrait.

D’autre part, à Washington, on s’aperçoit chaque jour davantage des frais énormes qu’impose la guerre, et l’on s’effraie à la pensée qu’elle peut encore continuer un an avant d’aboutir à des résultats sérieux, suivant ce qu’annonce le général Taylor. Celui-ci a d’ailleurs été aussi maltraité par l’opinion qu’il avait été d’abord exalté ; on lui a reproché avec la rudesse américaine d’avoir accordé une capitulation trop favorable à la garnison de Monterey ; la presse l’a harcelé sur ce ton qu’il faut pour plaire à l’humeur souvent rustique des législateurs de l’Union : « Il était mort, a-t-on dit, à l’état de chrysalide, comme le ver du tabac quand il est saisi par la gelée. » Chagriné, découragé, le général s’est plaint vivement dans une lettre particulière qu’on a bientôt rendue publique. Cette lettre n’était pas de nature à relever la confiance ; elle trahissait la faiblesse réelle des États-Unis. Cela pouvait donner beaucoup à réfléchir d’apprendre que la chute de Monterey était « une occurrence sur laquelle on n’avait pas droit de compter ; » qu’il n’y avait devant Monterey, si fort au cœur du territoire ennemi, que six mille deux cent cinquante hommes, dont les deux tiers de volontaires ; que les cavaliers du Tennessee et du Kentucky, ayant mis cinq mois à faire la route de chez eux au quartier-général, s’en étaient presque aussitôt retournés, parce que la longueur de la route avait pris tout leur temps de service ; enfin qu’on n’avait reçu de la mère-patrie, durant toute l’expédition, ni vivres, ni moyens de transport, ni secours d’aucune espèce. Il y a même eu des membres du congrès qui ont proposé dans les deux chambres de rappeler les troupes à l’est du Rio-Grande, en-deçà de la frontière disputée, qui ont combattu l’accroissement de l’armée, l’accession de nouveaux territoires, l’émission de nouveaux emprunts. Rien n’arrête cependant ce mouvement militaire et conquérant que la force des circonstances, que les passions individuelles ou générales impriment maintenant à la politique des États-Unis. Le gouvernement de Mexico, en repoussant les dernières offres pacifiques qui lui sont arrivées de Washington, a déclaré qu’il ne traiterait point avec l’ennemi tant que celui-ci n’aurait pas vidé le sol national. De son côté, le général Taylor signifiait dans sa fameuse lettre qu’il n’irait point au-delà de Saltillo, parce que les routes et l’eau manquaient pour franchir la distance de trois cents milles qui restait encore jusqu’à San-Luis de Potosi. M. Polk n’a pas tenu compte de ces répugnances, qui perdaient d’ailleurs de leur gravité depuis que Tampico, le port le plus considérable après Vera-Cruz, était tombé aux mains de ses officiers, ce qu’ignorait le général Taylor au moment où il écrivait. L’ordre a été donné de marcher droit sur Mexico ; on a nommé un généralissime ; le congrès a voté d’emblée neuf régimens de volontaires et dix de réguliers, en tout cinquante mille hommes d’effectif ; il a voté