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partie de son dernier ouvrage est consacrée à nous indiquer les grandes améliorations qui doivent naître de la commotion européenne des esprits ; un des premiers résultats sera la réforme de la constitution physique de la race blanche. Si l’imprévoyance et l’impéritie des législateurs modernes ont laissé subsister jusqu’à ce jour des vices nombreux dans l’incubation de l’espèce humaine, au moins, dit M. Arbanère, doit-on signaler dans cette partie trop négligée quelques heureuses tentatives, telles que l’ouverture du gymnase Amoros, etc., mais de nouveaux efforts doivent être tentés ; l’élection réciproque, fondée sur la suppression de la dot pour la fille et garantie du bonheur dans l’hymen, rendra, suivant lui, les unions plus fécondes et les produits plus remarquables ; argument en faveur du sans dot dont Harpagon ne s’est pas avisé. De plus, il est avéré que le luxe engendre l’immoralité et énerve les populations, d’où l’auteur conclut à l’établissement de lois somptuaires, à la nécessité de remettre les gens de finance à leur place. Le sacerdoce veut ramener les peuples au moyen-âge ; l’ultramontanisme, l’intolérance et le fanatisme menacent de nous envahir. Ce grave danger, que M. Arbanère révèle, ne peut être combattu que par l’organisation consistoriale du clergé, à l’instar des sectes protestantes avec lesquelles le catholicisme devra finir par s’entendre, s’il veut revenir aux vrais principes de l’Évangile.

Nous aurions fort à faire si nous voulions passer en revue toutes les réformes que M. Arbanère propose pour rétablir l’harmonie profondément altérée des élémens sociaux et les moyens faciles qu’il trouve dans la nature du gouvernement représentatif pour en régulariser la marche : indemnité aux députés, adoption des incompatibilités, vote public à haute voix, élection à plusieurs degrés, hérédité de la pairie, etc. Bref, il finit par tracer une esquisse de la géographie future du globe, découpant au gré de sa fantaisie la mappemonde, refaisant la carte d’Europe et remaniant du fond de son cabinet les traités de 1815. À défaut d’autre mérite, ce dernier point a au moins celui de l’à-propos. Si l’étude du passé n’a guère fourni à M. Arbanère qu’une série de banalités, au moins se sauve-t-il ici du lieu-commun. Nous n’en donnerons pour preuve que les idées assez originales qu’il émet à l’endroit de l’architecture grecque. Selon lui, les Grecs n’adoptèrent pas l’architecture gigantesque des Orientaux, « parce que les monumens de l’Égypte auraient fait effondrer par le poids de leur masse montagneuse les parties légères et gracieuses du sol ; mais nos régions sont plus larges, plus compactes, et offrent dans leur construction géologique une voûte plus robuste pour supporter de vastes monumens. » D’où il suit que l’architecture égyptienne ne peut manquer d’y prendre racine et le style babylonien de se propager dans nos académies. En tout genre de style, M. Arbanère voudrait-il nous ramener aux temps primitifs ? À quelle époque appartient celui dans lequel sont formulées toutes ces belles conceptions, c’est ce qu’il serait difficile de préciser. Nous eussions seulement souhaité que sa rage de réformation se fût arrêtée à la grammaire et au dictionnaire. Tout en rêvant l’harmonie universelle, il ne s’est pas aperçu qu’il troublait considérablement celle de la langue.


V. de Mars.