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Et il les fit danser tous les deux devant le peuple, sur les places. Et Voilà comme Atta Troll, enchaîné, danse sur la place de Cauterets.

Lui qui autrefois, comme un roi des solitudes, habitait le libre sommet des monts, Atta Troll danse dans la plaine devant la populace !

Et c’est même pour gagner quelques sous qu’il danse, lui qui naguère dans la majesté de sa force se sentait le maître du monde !

Quand il pense aux jours de sa jeunesse, à la royauté perdue des forêts, alors des grognemens étouffés s’échappent du gosier d’Atta Troll.

Il devient sombre comme le roi nègre de Freiligrath, et, de même que ce prince a mal tambouriné, lui il se met à danser mal de désespoir.

Mais, au lieu de sympathie, il n’éveille que la gaieté. Juliette même, du haut du balcon, se prend à rire de ces sauts désespérés.

Juliette n’a pas l’ame allemande. C’est une Française. Elle vit au dehors ; mais son baiser est enchanteur, est enivrant.

Ses regards sont comme un filet de lumière dans les mailles duquel notre cœur se prend, tressaille et palpite éperdu.


II.

Que le roi nègre de M. Freiligrath, dans son courroux mélancolique, se mette à faire résonner la peau du grand tambour jusqu’à ce qu’elle éclate et crève avec fracas,

Voilà qui fait vraiment vibrer le cœur et le timpan. — Mais figurez-vous cependant un ours qui vient de briser sa chaîne !

La musique et les rires cessent ; le peuple se précipite hors de la place avec des cris d’effroi, les dames pâlissent.

Oui, Atta Troll vient de briser tout à coup sa chaîne d’esclave. D’un bond sauvage, franchissant les rues étroites,

(Chacun lui faisait place très poliment) il grimpe au haut des rochers, jette en bas comme un regard de mépris et disparaît dans les montagnes.

La noire Mumma et le montreur d’ours restent seuls sur la place déserte. L’homme furieux jette son chapeau à terre,

Trépigne dessus, foule aux pieds les madones, arrache sa couverture, met son corps à nu, jure, maudit et se lamente sur l’ingratitude,

La noire ingratitude des ours ; car n’a-t-il pas toujours traité Atta Troll comme un ami ? Ne lui a-t-il pas enseigné la danse ?

L’ingrat ne lui doit-il pas tout, même la vie ? Ne lui a-t-on pas offert inutilement cent écus de la peau d’Atta Troll ?

La pauvre noire Mumma, comme une statue de la douleur muette, est restée suppliante sur les pattes de derrière, devant la colère du furieux.

Mais la colère du furieux tombe enfin, mais sur ses épaules ; il la roue de coups, la nomme reine Christine, femme Muñoz, et caetera. -